Sur une suggestion de Mathieu Lemée, nous regroupons ici les réalisations du célèbre et regretté scénariste, dialoguiste et acteur Michel Audiard, par ordre chronologique, suivit des films qu'il a scénarisés et dialogués, fort nombreux !

1920 - 1985

mise à jour le 1 juin 2010

MICHEL AUDIARD RÉALISATEUR DIALOGUISTE

FAUT PAS PRENDRE LES ENFANTS DU BON DIEU POUR DES CANARDS SAUVAGES - Michel Audiard avec Françoise Rosay, Marlène Jobert, Bernard Blier, André Pousse, Robert Dalban, Paul Frankeur, Catherine Hugues, Jean Carmet, 1968, France, 78m

Fred l'Élégant est un petit truand sans envergure qui a réussit à s'emparer d'un milliard en lingots d'or, fruit d'un hold-up réalisé par un autre gangster. La maîtresse de Fred, la jolie Rita, s'entend avec Charles le Téméraire et sa bande pour lui subtiliser le magot. Le coup est réussi mais Charles "oublie" volontairement Rita lors du partage des lingots. Celle-ci fait alors appel à sa vieille tante, Léontine, une ancienne reine du Milieu maintenant septuagénaire, pour corriger cette injustice. Elle ne tarde pas à remettre à l'ordre Charles et ses truands avec une habileté déconcertante. Après que Léontine eût éliminé Fred l'Élégant, Charles le Téméraire demande à son neveu Tiburce d'éliminer rapidement la vieille tante de plus en plus gênante. Tiburce tombe cependant amoureux de Rita et ne peut se résoudre à tuer Léontine qui est prête à l'aider à épouser sa nièce. Le pauvre Charles risque alors de ne plus être "téméraire" pour bien longtemps.

Afin de convaincre les producteurs éventuels de lui financer l'adaptation à l'écran des oeuvres phares de Louis-Ferdinand Céline, auteur très contreversé comptant parmi ses préférés, Michel Audiard, pour son premier film en tant que réalisateur, a choisi de parodier à nouveau la "Série Noire", genre où il se montre fort à l'aise tout en y ayant obtenu beaucoup de succès publics en tant que dialoguiste. Sans perdre sa verve humoristique dans l'écriture de répliques mordantes, Audiard nous offre une réalisation éclatée et audacieuse pour l'époque, qui annonce sans le savoir les futures comédies de Bertrand Blier. Farouchement iconoclaste, cette comédie baigne dans une folie loufoque remplie de clins d'oeil charmeurs et d'images délirantes qui s'avèrent originales. En moins d'une heure et demie, le film réussit à nous faire mourir de rire car il faut bien le dire, l'hilarité ne nous lâche jamais pendant le visionnement, tellement le rythme est cadencé à la vitesse d'un cheval au galop. Les personnages ont l'air de sortir tout droit d'un théâtre de marionnettes, mais un bon groupe d'acteurs et d'actrices les animent avec joie en profitant à plein des réparties délicieuses de l'auteur. Mathieu Lemée

Une VEUVE EN OR - Michel Audiard avec Michèle Mercier, Claude Rich, André Pousse, Jacques Dufilho, Sim, Jean Carmet, Dominique Zardi, Daniel Ceccaldi, Folco Lulli, Mario David, Roger Carel, Jean-Pierre Darras, 1969, France, 85m

Antoine est un sculpteur talentueux qui est marié avec une ravissante femme, Delphine. Celle-ci apprend qu'un de ses oncles est décédé et lui lègue un gros héritage qu'elle ne pourra toucher que si elle est veuve. Trop attirée par l'appât du gain, Delphine engage des tueurs à gages de la société Murder Inc. pour liquider son mari Antoine. Ce qui semblait être une tâche facile se complique plus que prévu car Antoine, qui s'est aperçu que Delphine veut sa mort, ne se laisse pas tuer facilement. Un chef de gang, rencontré par hasard, propose que Delphine soit veuve sans être obligé de tuer Antoine et dit avoir trouvé la combine voulue pour réussir une telle chose. Les difficultés se présentent cependant en grand nombre et il faudra beaucoup de bonne volonté et de système D pour que la combine puisse fonctionner.

Toujours afin de convaincre les producteurs de lui financer l'adaptation d'une oeuvre de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline à l'écran, Michel Audiard a écrit et réalisé une nouvelle comédie au ton populaire. Le film a connu cependant moins de succès que son précédent et premier long-métrage, mais cet échec se veut quelque peu injustifié. Le récit est fort amusant et conjugue adroitement les répliques pleines d'esprit chères à Audiard avec des gags visuels inattendus et détonants. Les scènes défilent avec énergie, et bien qu'on retrouve quelques longueurs ici et là, le public ne risque pas de s'endormir en cours de route. De nombreux moments de violence et d'érotisme sont habilement traités à la blague dans une atmosphère de truculence et de loufoquerie. La mise en scène d'Audiard n'est pas aussi éclatée que dans son premier film, mais elle demeure extravagante. La plus grande surprise de ce film est de retrouver la ravissante comédienne Michèle Mercier, éternellement étiquetée par son personnage d'Angélique au cinéma, dans un rôle à contre-emploi qu'elle défend admirablement. Claude Rich lui donne la réplique avec son aisance habituel. Mathieu Lemée

ELLE BOIT PAS, ELLE FUME PAS, ELLE DRAGUE PAS, MAIS... ELLE CAUSE aka Claquez-moi la porte au nez, mais ne me pincez pas les doigts dedans - Michel Audiard avec Annie Girardot, Bernard Blier, Mireille Darc, Sim, Catherine Samie, Jean-Pierre Darras, Jean Le Poulain, Jean Carmet, 1970, France, 80m

Germaine est une femme de ménage à l'oreille fureteuse. Elle travaille pour trois personnes: Francine Marquette, animatrice de télévision, Liéthard, caissier dans une banque et Phalempin, directeur d'une oeuvre ecclésiastique de loisirs pour enfants pauvres. Par sa curiosité, elle apprend que Liéthard détourne de l'argent de la banque où il travaille et qu'il a assassiné un collègue, que Phalempin chante clandestinement en travesti dans une boîte louche, l'Alcazar, et que Francine a autrefois connu une autre vie en participant à des ballets roses, un douteux passé qu'elle ne veut pas que son riche fiancé, La Motte Brébière, qui vise une carrière politique, apprenne malencontreusement. De par ses indiscrétions, alors qu'elle dissémine ce qu'elle sait au petit bonheur lors de ses conversations avec ses patrons, Germaine provoque un chassé-croisé de chantages entre ses trois employeurs, qui ne pourra qu'aboutir fatalement au meurtre.

Avec cette nouvelle comédie, Audiard a connu son plus grand succès commercial en tant que réalisateur. En dépit d'une certaine facilité vulgaire et salace, cette histoire de chantage où des maîtres-chanteurs se font chanter mutuellement est abordée alertement sous l'angle de la satire fantaisiste. Audiard ne se gêne pas pour lancer dans toutes les directions des traits provocateurs envers plusieurs catégories de français: minables, bourgeois, travestis, malfrats etc. afin de critiquer à tout un chacun leurs malhonnêtetés. L'intrigue n'est donc encore une fois qu'un prétexte à la verve verbale d'Audiard, qui s'avère toujours drôle bien qu'elle ne soit pas sans accrocs et qu'elle vise souvent en bas de la ceinture. Il peut paraître étonnant que devant tant de gauloiseries au ton débauché et paroxystique, la censure n'ait pas exigé des coupures, mais Audiard a dû bénéficier d'un traitement de faveur à cause de sa notoriété de dialoguiste. Ce "tohu-bohu audiardesque", comme l'ont mentionné les mauvaises langues à l'époque, est à la fois fort rigolo et audacieux, bien que la virtuosité de la mise en scène d'Audiard se soit amenuisé un peu depuis son premier film. Une autre curiosité à voir sur l'écran de votre choix. Notons que la mention: "ELLE BAISE PAS..." fût enlevé de "l'hénaurme" titre à cause de l'affichage public dans le métro! Annie Girardot compose astucieusement son personnage de femme de ménage sans-gêne, qui n'a pas peur d'ailleurs d'exhiber son corps dénudé sur la pellicule. Mathieu Lemée

Le CRI DU CORMORAN LE SOIR AU-DESSUS DES JONQUES aka Ton mari t'adore, ma chérie, mais il vient souvent me voir aka Le Paumé - Michel Audiard avec Michel Serrault, Bernard Blier, Paul Meurisse, Marion Game, Jean Carmet, Françoise Giret, Sylvie Bréal, Nancy Holloway, Corinne Armand, Romain Bouteille, Maurice Biraud, Carlos, Michel Modo, Robert Dalban, Yves Robert, Gérard Depardieu, 1970, France, 85m

Alfred Mullanet est un pauvre type qui passe son temps à parier sans succès sur les courses de chevaux. Malgré le mauvais sort, il reste tenace et continue à parier tout en vivant au crochet de sa femme indulgente. Un soir où il n'a plus un rond, Alfred fait de l'auto-stop près du champ de courses. Une voiture s'arrête et Alfred est inexplicablement enlevé par des gangsters qui l'enferment dans un cercueil tout en l'ayant préalablement vêtu d'un costume noir aux boutons volumineux. Malgré ses protestations, Alfred est expédié à Istanbul après avoir été assommé. Commence alors pour lui plusieurs mésaventures où le pauvre Alfred devient l'enjeu de deux bandes rivales de gangsters sans qu'il puisse comprendre pourquoi. Il finit par découvrir que les volumineux boutons de son costume noir cache des diamants et que les gangsters se sont servi de lui comme prétendu cadavre pour les passer à l'étranger au nez et à la barbe des gabelous. Après de multiples tribulations, Alfred parvient à revenir à Paris et va rencontrer sa femme sur un pont. Celle-ci le prend pour un fou après qu'il lui ait raconté son odyssée et elle jette le manteau aux diamants par-dessus le pont sur une péniche qui passait par-là. Alfred repart alors à l'aventure en poursuivant la péniche pour récupérer le précieux veston.

N'arrivant pas à monter des projets plus sérieux qui lui tenaient à coeur, Michel Audiard revient à la parodie de la Série Noire pour son nouveau film. Bien qu'il ait tendance à se répéter parfois, Audiard se montre toujours à l'aise dans la gaudriole où il se moque allègrement des connards et des Français moyens aux manies stupides tout en prenant le parti des truands. La situation de base est proprement délirante, voire sordide, et fait la part belle aux plaisanteries et aux canulars de toutes sortes. La mise en scène est carrément disjonctée, ce qui la met en accord avec le ton satirique du scénario. L'ensemble est bien un peu trop bavard et commence lentement mais malgré ces chutes de rythme, le résultat final, garanti "sans cormorans et sans jonques" selon la publicité de l'époque, est très rigolo et est accompagné d'une très bonne musique d'Eddy Vartan. On se bidonne généreusement à la vue de ce polar narquois, tiré librement d'un roman noir d'Ed McBain, remplis de mots d'esprit et d'invraisemblances volontairement exagérées pour faire rire le public. Encore une fois, les dialogues d'Audiard amusent ferme et constituent la base cimentée des effets comiques du film, malgré quelques répliques capricieuses sentant un peu le radotage. Michel Serrault en fait des tonnes dans son rôle d'hurluberlu naïf et il est secondé par une imposante distribution où figure un jeune Gérard Depardieu, alors à ses débuts. Mathieu Lemée

Le DRAPEAU NOIR FLOTTE SUR LA MARMITE aka Il était un petit navire... - Michel Audiard avec Jean Gabin, Ginette Leclerc, Éric Damain, Jacques Marin, Micheline Luccioni, Claude Piéplu, Jean Carmet, André Pousse, Roger Lumont, 1971, France, 78m

Simonet, qui travaille à la S.N.C.F., reçoit les félicitations de son supérieur Volabruque pour la construction d'un nouveau voilier miniature qui a gagné un prix à une exposition. Volabruque commande alors à Simonet la construction d'un voilier grandeur nature pour faire la pêche à la sardine. Simonet accepte, d'abord pour la promesse d'avancement de son patron car il ne voit pas comment il peut construire pareil voilier. Il demande alors l'aide de son vieil oncle, Victor Ploubaz, un épicier qui aurait navigué sur tous les océans au cours de sa vie et qui raconte ses aventures maritimes. Ploubaz prend les choses en main et fait construire le voilier dans le jardin de Simonet. La coque terminée, Ploubaz se rend à Saint-Malo rendre visite à sa femme pour lui emprunter de l'argent afin d'acheter les voiles pour le voilier. Considérant Victor comme un mythomane, elle refuse de lui donner de l'argent mais la soeur de celle-ci, par amour pour Victor, lui en donne. Simonet et son fils Pierrot en viennent tous les deux à comprendre que Ploubaz n'est qu'un menteur invétéré qui n'a jamais navigué de sa vie autrement que dans ses rêves. Aussi, lorsque le voilier de Victor s'échoue dans le vase lors d'un essai, Pierrot décide de le brûler pour épargner de nouvelles humiliations à son grand-oncle.

Pressé par le fisc et les dettes, Audiard a dû réaliser rapidement ce film de commande, qui est toutefois inspiré d'un roman d'un ami. René Fallet. Audiard a également fait appel à son ami Jean Gabin pour jouer le rôle principal du vieil oncle (sorte de Capitaine Bonhomme!) et à un autre ami, Georges Brassens, pour composer la musique du film. Il s'agit donc d'un film de détente entre copains mais le résultat ne donne pas vraiment cette impression. Conséquence: le film coula à pic au box-office. L'on sent trop que Gabin apparaît frustré au bout du compte de figurer dans ce film et cela rend son personnage de doux rêveur mythomane plus antipathique que drôle et ses colères plus fatigantes que désopilantes. Le dialogue d'Audiard n'est pas à remettre en cause; il reste toujours excellent et rigolo dans ses meilleures répliques, même s'il a déjà fait mieux. Mais c'est la mise en scène qui déçoit car le style éclaté de ses débuts à la réalisation est complètement disparu, à croire qu'Audiard a connu des problèmes techniques pendant le tournage ou bien qu'il manque d'expérience. On retrouve tout de même dans le film une certaine tendresse bon enfant, un changement de ton qui apporte un vent de fraîcheur par rapport aux farces vitrioliques précédentes de l'auteur. Il est juste dommage que cette comédie n'arrive pas à égaler toute la folie poétique du bouquin d'origine, mais elle mérite quand même d'être découverte. Si Gabin se plagie lui-même, ses partenaires se tire assez bien de l'aventure. Mathieu Lemée

ELLE CAUSE PLUS... ELLE FLINGUE aka Son business, c'est l'éternité - Michel Audiard avec Annie Girardot, Bernard Blier, André Pousse, Michel Galabru, Charles Southwood, Maurice Biraud, Roger Carel, Jean Carmet, Darry Cowl, Catherine Samie, Daniel Prévost, Dominique Zardi, Henri Attal, 1972, France, 85m

Rosemonde du Bois de la Faisanderie dirige en princesse les destinées d'un ramassis de joyeux assassins, de clochards et de chiffonniers habitant en banlieue un bidonville de la zone. Pour ce faire, elle met en morceaux les curieux de passage, capturés par ses sbires, qu'elle fait jeter dans une machine à dépecer les cochons. Elle dispose ensuite les effets personnels de ses victimes au marché aux puces et elle récupère les os pour les vendre à une église catholique qui les revend comme reliques de saints. Malgré toutes les tentatives de la police pour prendre Rosemonde en flagrant délit, celle-ci demeure intouchable. Un ecclésiastique de haut-rang lui demande alors de trouver une relique semblable à celle de Jésus. Elle fait alors rechercher par sa bande dans le quartier quelqu'un lui ressemblant. Arrive soudainement un jeune beatnik ressemblant trait pour trait à Jésus, qui possède en plus des pouvoirs mystérieux similaires au fils de Dieu. Sa présence et ses dons transformeront Rosemonde et ceux qui l'entourent en hérauts d'un renouveau religieux.

Avec ce sixième film en tant que réalisateur, Michel Audiard atteint un sommet record en matière d'humour bête et méchant. À partir d'une situation initiale proprement irrévérencieuse, Audiard va à fond de train dans une charge anticlérical blasphématoire et iconoclaste, sans oublier au passage quelques épines acérées lancées contre d'autres formes d'autorité comme la police et la justice. Les personnages ont donc l'air de pantins grotesques évoluant dans un contexte surréaliste, ce qui confirme la désinvolture de l'auteur dans son illustration des renversements des valeurs religieuses catholiques dans la société française. Il est dommage néanmoins que la mise en scène ne soit pas à la hauteur de l'ambition du scénario, car elle s'avère brouillonne, ce qui alourdit les développements du récit. Par ailleurs, le dialogue, bien que toujours aussi drôle, ne possède pas toute la verve habituelle que l'on est en droit de s'attendre; Audiard se contentant parfois de répéter ou de reformuler des répliques à succès de ses autres films antérieurs. L'ensemble n'en demeure pas moins d'une dérision jubilatoire certaine avec une portion de mauvais goût douteux pour faire bonne mesure, juste assez pour horripiler les détracteurs d'Audiard. Annie Girardot se montre toujours à l'aise dans la gouaille avec un personnage haut en couleurs et Bernard Blier cabotine aux limites de l'hystérie dans son personnage de flic. Un film bizarre, anti-conformiste et incomparable, bien que manquant de finition. Certains rigoleront, d'autres pas, je vous en laisse juge. Mathieu Lemée

COMMENT RÉUSSIR DANS LA VIE QUAND ON EST CON ET PLEURNICHARD - Michel Audiard avec Jean Carmet, Stéphane Audran, Jean-Pierre Marielle, Jane Birkin, Jean Rochefort, Evelyne Buyle, Robert Dalban, Daniel Prévost, Ginette Garcin, Jeanne Herviale, 1973, France, 90m

Antoine Robineau est un marchand itinérant qui fait la tournée des bars de Paris pour vendre une immonde piquette fabriquée avec sa mère: "le vermouth des intrépides". Pour convaincre ses clients à acheter son produit, Antoine exploite sa facilité à exciter la pitié et à attendrir les cafetiers en s'inventant des peines d'amour et en se lamentant sur son sort comme un braillard. Antoine est secrètement amoureux de Marie-Josée, une réceptionniste qui lui préfère son patron, directeur de l'hôtel où elle travaille, bien que celui-ci soit marié avec la propriétaire des lieux. Antoine se console avec une effeuilleuse, Jane, qui est la compagne de vie d'un de ses amis, Foisnard. Se rendant compte que ses méthodes pour vendre son vermouth peuvent fonctionner pour conquérir Marie-Josée, il fait la connaissance de la riche propriétaire de l'hôtel qu'il cherche à apitoyer pour être nommé directeur à la place de son mari, qu'Antoine a auparavant pris soin de jeter dans les bras de Jane. Plus rien ne semble donc empêcher Antoine d'avoir Marie-Josée pour lui tout seul, mais voilà que Foisnard refait surface et risque de tout gâcher.

Bien que le sujet et le titre du film ont tout de la comédie franchouillarde, ce long-métrage marque le retour en force de Michel Audiard après deux échecs consécutifs. Sa verve gouailleuse fonctionne pleins pots dans cette histoire rigolote d'un mec petit, moche et peu intelligent qui parvient à emballer convenablement les jolies femmes. Évidemment, le sujet livre sa part de plaisanteries facilement vulgaires et de retournements gratuits relevant plus du mécanisme théâtral que de la vraisemblance, mais l'on sent derrière ces artifices une tendresse sincère de l'auteur pour les perdants et les minus. Avec pour arrière-plan la banlieue grise de Paris avec ses quartiers de HLM délabrés, la mise en scène use à bon escient de décors réalistes à la manière des cinéastes de la Nouvelle Vague. L'intrigue, construite comme un vaudeville avec de nombreuses situations qui s'entrelacent, contient un assez bon nombre de répliques tordantes qui feront jubiler autant les fans d'Audiard que les spectateurs qui ne connaissent pas son travail. On pourrait même dire, en paraphrasant une ligne de dialogue du film, que cette comédie est une sorte de "synthèse" de son oeuvre et de ses préoccupations personnelles. Ce n'est pas du grand lyrisme pur mais cela se boit comme un champagne des connaisseurs (à la différence de l'infect vermouth du film). Grand ami d'Audiard, qui lui donne ici son premier rôle-vedette, Jean Carmet s'avère fort drôle au sein d'une très bonne distribution. Mathieu Lemée

VIVE LA FRANCE - Michel Audiard, 1974, France, 85m,  Documentaire 

Le scénariste-dialoguiste et réalisateur Michel Audiard nous raconte l'histoire de la France. Après un survol rapide sur l'évolution du territoire français depuis le Moyen-Âge jusqu'à la Révolution de 1789, le film s'attarde un peu sur les périodes historiques importantes du XIXième siècle: le Premier empire, la Restauration, le Second Empire, 1870 etc. Par la suite, le documentaire se concentre essentiellement sur l'histoire de la France au XXième siècle avec des évènements majeurs comme: le Front populaire, les deux guerres mondiales, l'Occupation de 1940, la Résistance, la Libération, la guerre d'Algérie, la décolonisation de l'Afrique, le conflit en Indochine, l'élection du général Charles de Gaulle à la présidence française, les émeutes de mai 1968, le progrès économique du pays, en plus de traiter du sport en général, de la vie sexuelle des français etc. Le tout se conclue avec une vision de l'avenir du pays. Toute cette histoire de France nous est rappelé grâce à des images d'archives et des prises de vues d'actualités, alimentés par le commentaire de l'auteur lui-même.

Après deux ans de travail acharné, Michel Audiard a enfin pu achever son documentaire sur l'histoire de la France en rassemblant de peine et de misère plusieurs images d'archives et d'actualités, qu'il a réuni pour en faire un film de montage caractérisé par un ton sarcastique et persifleur bien dans son style. Le film se veut donc une sorte de pamphlet audiovisuel hilarant où Audiard règle ses comptes avec ses compatriotes dans une rétrospective pleine d'amertume et de dérision (qu'Audiard a baptisé: "Une archéologie de la connerie") soulignant l'arrogance, l'humeur et les faiblesses des Francais. Pour ce faire, l'auteur fait des rapprochements astucieux et humoristiques entre les différents évènements historiques, même si parfois une certaine facilité ressort dans le propos, qui s'avère de temps en temps un peu chargé. La cible préférée d'Audiard est sans nul doute Charles De Gaulle dont les images et les commentaires n'hésitent jamais à le tourner en ridicule. L'opinion de l'auteur est donc on ne peut plus clair, car il s'affiche ouvertement antimilitariste, antiparlementariste et contre l'idée que les Francais puissent jouer les gendarmes de l'Europe quand il n'en ont pas les moyens ni l'intelligence. La verve gouailleuse et l'esprit frondeur célèbre d'Audiard trouvent donc une matière autre que la fiction cinématographique pour s'exprimer efficacement. En gros, une sorte de bêtisier national condensé très rigolo, surtout pour ceux qui connaissent l'histoire du pays, mais que je recommande à tout le monde si vous avez envie de vous bidonner tout en vous cultivant. Mathieu Lemée

BONS BAISERS... À LUNDI - Michel Audiard avec Jean Carmet, Bernard Blier, Marai Pacôme, Evelyne Buyle, Jean-Jacques Moreau, Jacques Canselier, Betty Mars, Julien Guiomar, Michel Bouquet, André Pousse, 1974, France, 95m

Henri-Pierre et ses deux amis, Dimitri et Bob, sont trois truands ringards qui organisent le hold-up d'une soirée mondaine dans une conciergerie, un vendredi soir. Ils se trompent cependant d'étage et aboutissent chez un gros impresario milliardaire, Frankie Strong, qui est en compagnie d'une chanteuse, Esmeralda, dont il prépare le lancement de carrière. Les deux victimes n'ont cependant aucun argent liquide sur eux et Strong ne peut donner qu'un chèque aux trois voleurs pour les satisfaire. Mais ceux-ci ne peuvent l'encaisser avant lundi prochain, c'est-à-dire dans trois jours, car les banques sont fermées le week-end. Afin d'éviter des ennuis avec la police, les trois bandits minables décident d'emmener l'imprésario et son entourage à la campagne comme otages en attendant l'ouverture des banques. Cette fin de semaine risque toutefois d'être longue pour les braqueurs car la cohabitation forcée avec leurs victimes est loin d'être reposante. Par ailleurs, Poudevigne, le mari jaloux d'Esmeralda, vient jeter de l'huile sur le feu en allant se mêler à cette histoire déjà embrouillée.

Ce film est le dernier opus en tant que réalisateur pour Michel Audiard, qui est retourné uniquement aux dialogues et à la scénarisation par la suite. Incapable de tourner les gros projets ambitieux qu'il avait en tête, Audiard est revenu de nouveau à la parodie de la Série Noire en adaptant un roman policier fertile en péripéties comiques lui permettant en plus d'y insérer des réparties de son cru. Comme il se doit chez Audiard, l'ensemble se veut fort bavard avec plusieurs bons mots et autres plaisanteries verbales amusantes. Le rythme n'est cependant pas maintenu car des longueurs se font sentir à travers les jacasseries des (trop) nombreux personnages, dont certaines répliques ne sont pas toujours en situation. Cette comédie ne manque toutefois pas de saveur au niveau de la conception des gags, grâce à la verve toujours colorée et l'intarissable bagout de l'auteur, qui fera rigoler plus d'un spectateur, même si celui-ci aurait souhaité plus de finesse. Ainsi, malgré quelques passages laborieux, ce neuvième et dernier film d'Audiard s'avère une conclusion heureuse à un parcours inégal, marquant et singulier comme metteur en scène. Au sein de ce long-métrage fort drôle, une bonne équipe d'acteurs s'amuse avec plaisir en caricaturant leurs personnages. Mathieu Lemée

MICHEL AUDIARD SCÉNARISTE DIALOGUISTE

  GAROU GAROU... LE PASSE-MURAILLE aka Mr. Peek-a-Boo - Jean Boyer avec Bourvil, Joan Greenwood, Gerard Oury, 1951, France/Italie, 90m

Léon Dutilleul est un modeste fonctionnaire qui habite avec sa soeur et son beau-frère et passe parfois des soirées avec son ami Maurice, artiste peintre, à parler et jouer de la musique. Revenant un peu tard un soir, il trouve la porte de l'appartement fermée, son beau-frère, qui ne travaille pas, ne veut plus cohabiter avec lui, mais Léon se retrouve tout de même dans l'appartement. Il découvre à sa stupeur qu'il peut traverser les murs. Notre passe muraille ne compte pas se servir de son don plus qu'il ne le faut, mais Maurice lui demande d'en profiter, ne serait-ce que pour voir la vie des gens différents. Il n'est pas impressionné, mais tombe sous le charme d'une belle anglaise, Susan, aperçue dans un grand hôtel. Seulement voilà, Susan est voleuse et notre Léon va tenter de l'impressionner en devenant Garou Garou, un voleur audacieux que personne n'attrape...

Sur des dialogues adorables de Michel Audiard, voici une belle fable ou l'amour fait faire des bêtises au plus inoffensif des humains. Bourvil est parfait en petit employé martyrisé par ses supérieurs et son beau-frère, mais qui ne se plaint jamais de son sort. Ce n'est qu'à cause de la belle Joan Greennwood qu'il commet des larcins qu'il compte bien corriger lorsque sa douce aura changée de vie. Son pouvoir soudain n'est jamais expliqué et il donne lieu à bien des rigolades, à commencer par le médecin qui l'examine ou le directeur de prison qui doit constamment aller le chercher en dehors de ses murs ! Les effets spéciaux sont corrects et l'ensemble des acteurs est parfait pour cette comédie légère qui soutire le rire et le sourire. Savoureux. Mario Giguère

POISSON D'AVRIL - Gilles Grangier avec Bourvil, Annie Cordy, Pierre Dux et Louis De Funes, 1954, France

Émile ( Bourvil ) est un honnête mécanicien qui a le malheur un beau jour d'acheter une canne à pêche au lieu de faire un dépôt sur une machine à laver. Il mentira à sa femme et, de mensonge en mensonge, il se fera passer pour le fiancé de sa cousine dans un souper chez l'amant de celle-ci. Rien ne sera simple et la boisson ne l'aidera pas !

Petite comédie légère qui devait inciter les maris à ne pas mentir et aux autres à se méfier des mécaniciens, Poisson d'Avril a une belle scène avec un De Funes en garde champêtre au gros accent qui tentera de verbaliser Bourvil. Pour le reste, tout cela est bien inoffensif mais fort agréable, Bourvil jouant le mari niais avec bonheur et Annie Cordy étant méconnaissable en tant qu'épouse assez naïve. Mario Giguère

MAIGRET TEND UN PIÈGE aka Maigret Sets a Trap aka Il Commisario Maigret - Jean Delannoy avec Jean Gabin, Annie Girardot, Jean Desailly, Olivier Hussenot, Lucienne Bogaert, Gérard Séty, Lino Ventura, Alfred Adam, Jeanne Boitel, Nadine Basile, Paulette Dubost, 1958, France/Italie, 114m

Le quartier de la place des Vosges à Paris est en proie à la terreur: un mystérieux tueur en série tue à coups de couteaux des femmes seules en pleine nuit. Ayant reçu des lettres anonymes de l'assassin pour le provoquer, le commissaire Maigret, chargé de l'enquête, décide de lui tendre un piège. Il fait arrêter un faux coupable consentant à jouer le jeu, ce qui devrait forcer le vrai tueur à agir. Plusieurs femmes auxiliaires de police circulent dans le quartier la nuit suivante pour appâter d'ailleurs le meurtrier. L'une d'elles est attaquée par celui-ci, mais elle se défend et donne l'alerte. L'assassin semble bien connaître le quartier car il échappe aux policiers le poursuivant. Toutefois, sur le lieu de la reconstitution du précédent crime, l'inspecteur Lagrume prend en filature une jeune bourgeoise, Yvonne Maurin, dont l'attitude paraissait suspecte. Maigret est mis au courant et lui rend visite chez elle où il rencontre son mari, Marcel Maurin, architecte-décorateur. Maigret apprend que non seulement Yvonne a commencé à tromper son mari la nuit du premier meurtre, mais aussi que la mère de Marcel habite le pâté de maison où l'assassin a réussi à échapper aux forces policières. Sûr de connaître l'identité du tueur en série, Maigret fait venir Marcel Maurin au commissariat et le confronte pour lui faire avouer ses crimes, mais un autre meurtre est commis au même moment. Maigret se serait-il trompé?

Ce film policier tiré d'un roman de Georges Simenon, figure parmi les premiers à raconter les exploits d'un tueur en série en France. Il faut souligner aussi que les scènes de meurtres sont filmées pareillement à celles figurant dans les futurs giallos italiens, et il y a donc fort à parier que ce polar figure parmi les inspirations des grands maîtres transalpins du genre. Ces scènes ne sont pas les seuls points communs avec le giallo, car l'enquête menée par Maigret, incarné avec conviction par Jean Gabin, se base sur des données psychologiques plutôt que sur des indices purement traditionnels. Pour toutes ces raisons, ce film mérite largement d'être vu. Il faut mentionner l'apport de Michel Audiard aux dialogues, où il démontre son talent à l'intérieur d'un sujet sérieux plutôt que dans le pastiche. Le métrage atteint son point culminant dans la dernière demi-heure, qui retient particulièrement notre attention alors que Maigret cherche à obtenir les aveux de son suspect no. 1, merveilleusement incarné par Jean Desailly, en plus de confronter son épouse et sa mère. Le quartier de la plage des Vosges est aussi bien rendu géographiquement sur la pellicule, que ce soit en studio où en extérieurs. Un suspense policier de grand crû donc, que je vous recommande fortement, même s'il ne soutient pas la comparaison avec le grand classique M LE MAUDIT. Annie Girardot, alors jeune, nous montre déjà son talent et soulignons la présence de Lino Ventura dans un petit rôle. Mathieu Lemée

Le CAVE SE REBIFFE - Gilles Grangier avec Jean Gabin, Bernard Blier, Maurice Biraud, Martine Carol, Frank Villard, Antoine Balpétré, Françoise Rosay, Ginette Leclerc, 1961, France, 98m

Comme il ne peut s'acquitter de ses dettes envers l'ex-proxénète Charles Lepicard et le banquier Malvoisin, Éric Masson propose pour les rembourser une grosse affaire de fausse monnaie. Pour les convaincre, il leur fait savoir qu'il roucoule avec l'épouse d'un graveur doué, Mideau, de façon à l'amener à la longue à imprimer les faux billets. Lepicard pense néanmoins qu'il faut recourir à un spécialiste pour contrôler le travail du graveur et il fait appel à Ferdinand Maréchal dit "Le Dabe" qui est un maître en la matière. Bien que retiré du milieu, Maréchal accepte et prend en main la direction des opérations. Il parvient à convaincre le graveur, qui s'avère un véritable orfèvre, de fabriquer et d'imprimer pour 1 milliard d'anciens francs en florins. Lepicard, Malvoisin et Masson pense cependant à doubler Maréchal en faisant imprimer secrètement un autre milliard à cause des trop grandes exigences financières de celui-ci. De plus, Masson veut aussi se débarrasser du graveur, mari gênant, pour avoir son épouse pour lui tout seul. Selon un horaire savamment mis au point, Mideau se met au travail mais au dernier moment, lui et l'argent ne sont pas au rendez-vous prévu avec les autres. Auraient-ils été roulés par un "cave"?...

Le scénariste et dialoguiste Michel Audiard, avec la collaboration de l'auteur du roman d'origine, n'a retenu qu'une petite partie du livre pour se concentrer à raconter, avec sa verve habituelle et son humour percutant, une délicieuse comédie policière. Le récit est évidemment taillé sur mesure pour Jean Gabin qui interprète avec vigueur un rôle familier de gangster arrivé. La mise en scène de Grangier est commerciale mais efficace en laissant beaucoup de place aux acteurs. Certaines répliques sont remplies d'esprit avec en plus un bon usage de l'argot. Les dilettantes envers cette forme de langage ne devraient donc pas être perdu car le sens des mots se devine facilement à l'écoute du film. Cette parodie du film de gangster traite donc les malversations courantes du genre à la blague et sans prétention. L'ensemble se veut malicieux (Lisez le texte à la fin du film!!! Vous comprendrez!) à souhait et malgré l'absence de violence, retient notre attention. À regarder comme amuse-gueule avant "LES TONTONS FLINGUEURS" écrit aussi par Audiard, pour vraiment l'apprécier à sa juste valeur et éviter les comparaisons boiteuses. Les autres comédiens chevronnés réunis pour l'occasion livrent tous la marchandise. Mathieu Lemée

Un TAXI POUR TOBROUK - Denys de la Patellière, dialogues de michel Audiard avec Lino Ventura, Charles Aznavour, Hardy Krüger, Maurice Biraud, German Cobos, 1961, France, NB, 88m

1942. Après une attaque sur Tobrouk quatre soldats des forces françaises libres perdent leur lieutenant et se retrouvent après leur fuite égarés dans le désert Libyen au volant de leur Jeep a 700 kilomètres de leur ligne. Le plus gradé d'entre eux le brigadier Théo Dumas prend le commandement . Leur véhicule se retrouve détruit suite au mitraillage d'un avion ennemi et les voilà à pied pour une longue traversée du désert. Bientôt ils tombent sur un blindé de l'Afrika Korps, éliminent l'équipage et font prisonnier son officier, le capitaine Von Stiegel. Celui-ci devient le seul espoir de retrouver le chemin et est pris en sympathie par une partie de la section.

A l'origine un roman de René Havard et remanié par Audiard ce véritable huit -clos à l'air libre tourné au sud de l'Espagne en Andalousie  est considéré comme un des grands films d'aventure français des années soixante.

A la vue du scénario on pourrait s'attendre à un film ennuyeux, il en est rien. Tout d'abord  une réalisation soignée mais sans fioritures caractérise ce film mais surtout les dialogues comme bien souvent chez Michel Audiard font mouches. En effet les répliques sont fines et très drôles a l'image d'une des phrases les plus célèbres de ce long métrage "Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche". Les acteurs y sont bien sûr pour beaucoup dans la réussite de ce film avec une mention spéciale à Lino Ventura pour son rôle de brute au coeur tendre et à un Charles Aznavour étonnant de justesse dans le personnage du médecin juif persécuté. L'humanisme est le sujet de ce film faisant du même coup un pied de nez à la guerre, principalement dans la deuxième partie où la confiance s'instaure avec l'officier allemand. Un film émouvant, grave car l'atmosphère n'a rien de joyeux mais qui fait, à de nombreuses reprises sourire le téléspectateur par les nombreux échanges verbaux et physiques des acteurs. Tout simplement indispensable.  Frederic Pinol

Le DIABLE ET LES DIX COMMANDEMENTS - Julien Duvivier, 1962, France 

Dans la nouvelle collection Québécoise de Dvd avec Louis de Funes, voici une très belle surprise, un film à sketches qui détourne les dix commandements sous le regard du diable ! Voyez la brochette d'acteurs : Françoise Arnoul, Charles Aznavour, Jean-Claude Brialy, Danielle Darrieux, Alain Delon, Fernandel, Mel Ferrer, Micheline Presle, Michel Simon, Lino Ventura et ... Louis de Funes ! Un Fernandel touchant dans le rôle de Dieu, un De Funes tordant dans un rôle d"arroseur arrosé. De Funes se fait vraiment remarquer dans ce petit rôle presque muet.

Les scénaristes se sont donnés à coeur joie pour dépeindre les transgressions si humaines des dix commandements d'un dieu fort incompréhensible. Et le Diable de rigoler, sous la forme d'un serpent qui nous présente toutes ces histoires sur deux bonnes heures. On pourrait parler de tous les acteurs, on se contentera de vous recommander ce petit bijou, pour tous ceux qui apprécient le glorieux noir et blanc et les péchés capitaux. Mario Giguère

Le GENTLEMAN D'EPSOM aka Duke of the Derby aka il Re delle corse - Gilles Grangier avec Jean Gabin, Madeleine Robinson, Louis de Funès, Paul Frankeur, Franck Villard, Jean Lefèbvre, Jacques Marin, Jean Martinelli, Josée Steiner, Camille Fournier, Joëlle Bernard, 1962, France/Italie, 84m

Ancien chef d'escadron passionné de courses de chevaux, le bourgeois ruiné Richard Briand-Charmery, avec l'aide de rabatteurs, profite de son prestige pour vendre à des naïfs des tuyaux crevés sur les champs de courses pour survivre financièrement. Sa technique est de donner un cheval différent à chacun de ses clients comme gagnant d'une course. Un jour, le hasard le met en présence d'une ancienne flamme de jeunesse, Maud, qu'il avait quittée jadis à l'hippodrome d'Epsom. Bien que marié à un riche Américain, Maud a conservé une certaine affection pour Richard. Celui-ci lui offre alors une soirée princière comme pour raviver le souvenir inoubliable de leur amour passé, mais il donne au restaurateur un chèque sans provisions. Les banquiers étant en grève, Richard doit trouver un moyen de gagner rapidement de l'argent pour le déposer à la banque avant que le chèque ne soit encaissé. Pour ce faire, il imagine une combine pour escroquer un restaurateur passionné de courses de chevaux, Gaspard Ripeux, dont les émotions fortes lui interdisent médicalement l'accès aux champs de courses. Avec ce nouveau client, Richard espère bien gagner quelques millions mais les choses ne se déroulent pas tout à fait comme prévu.

Connaissant bien le milieu des turfistes, Michel Audiard a imaginé avec la complicité d'Albert Simonin une intrigue tournant autour de l'univers des courses de chevaux, univers également connu de la vedette du film Jean Gabin. Tous ensemble, sous la direction du réalisateur Gilles Grangier, ils ont conçu une comédie légère teinté d'une histoire d'amour nostalgique mettant en valeur "le Vieux". Comme il se doit, le film contient une bonne part de répliques drôles et percutantes écrites par un Michel Audiard encore une fois inspiré, mais le scénario dans l'ensemble manque de chair car on ne sait pas trop vers où l'histoire progresse. La mise en scène bien trop sage, n'aide pas davantage malgré de belles images en format panoramique. Tout de même, le public a droit à un humour soutenu qui le fait rire à plusieurs reprises, d'autant plus que le tout bénéficie de l'apport comique de Louis de Funès dans un troisième rôle marquant. Le thème principal (les champs de courses) est également bien présenté à l'écran de façon crédible et l'interprétation amusante des acteurs se veut une qualité supplémentaire qu'il ne faut pas dédaigner. Un petit divertissement au métier usiné! Mathieu Lemée

Un SINGE EN HIVER aka A Monkey In Winter - Henri Verneuil avec Jean Gabin, Jean-Paul Belmondo, Suzanne Flon, Paul Frankeur, Gabrielle Dorzat, Hella Petri, Marcelle Arnold, Noël Rocquevert, Sylviane Margollé, 1962, France, 102m

En 1944 à Tigreville, une station balnéaire de la Normandie, Albert Quentin, propriétaire d'une auberge, s'avère un buveur invétéré. Alors que les Alliés attaquent et bombardent les Allemands, Albert, soûl et réfugié dans sa cave à vin, promet à sa femme Suzanne de ne plus boire si l'enseigne de l'auberge reste accrochée à l'entrée. 18 ans plus tard, Albert, qui maintenant croque des bonbons, voit arriver à son auberge un jeune client, Gabriel Fouquet, en pleine saison morte. Celui-ci se signale à Tigreville dès sa première nuit par ses excès de boisson alors qu'il boit comme une vraie éponge. Sa présence secoue la sobriété d'Albert, ce qui inquète grandement sa femme Suzanne. Albert se lie néanmoins d'amitié avec Gabriel et apprend qu'il est ici pour récupérer sa fille au pensionnat du coin afin de la ramener en Espagne où il habite, et qu'il boit pour oublier l'absence de sa femme, restée à Madrid. Après qu'Albert ait sorti Gabriel des griffes de la police pour avoir joué au matador soûl sur la route avec les voitures de passage, les deux hommes se paient ensemble une cuite mémorable qui secoue tout Tigreville, alors qu'ils déclenchent en pleine nuit des feux d'artifices sur la plage. Le lendemain matin, les deux hommes se séparent, Gabriel ayant reparti avec sa fille et Albert, qui a retrouvé sa sobriété, partant visiter la tombe de son père.

Le roman d'origine d'Antoine Blondin se veut une histoire nonchalante, remplie de fantaisie et de poésie, portant sur l'amitié virile entre deux hommes à la solitude partagée et dont l'alcoolisme est le moyen de s'évader et d'exprimer leurs libertés. L'adaptation filmique s'avérait alors difficile car le moindre faux pas aurait pu transformer cette excellente histoire en un banal scénario facile portant sur les beuveries de deux ivrognes. Grâce cependant à Michel Audiard aux dialogues et à Henri Verneuil à la réalisation, le résultat est exceptionnel à plusieurs niveaux. À travers une mise en scène d'une nette précision, se déroule une intrigue extrêmement drôle misant sur la complémentarité un peu père-fils du tandem Gabin-Belmondo. Les dialogues d'Audiard sont particulièrement brillants et contiennent des répliques joviales mémorables et revigorantes portant sur la chaleur humaine de l'amitié entre les deux principaux protagonistes. Quelques morceaux de bravoure comme celui où Belmondo fait le matador sur la route où celui où Gabin, fin rond, marche dans les rues bombardées par les avions de guerre, rajoutent encore du punch à cette comédie jubilatoire. Évidemment, le sujet amène sa part de vulgarité et de trivialité, mais personne ne boudera son plaisir en visionnant ce film, qui se consomme comme l'absorption délicieuse d'alcools anisés et de drinks savoureux. Alors, versez-vous un verre, trinquez à votre santé et regardez ce film au plus vite, que vous soyez en état d'ébriété ou non. Gabin et Belmondo explosent littéralement à l'écran dans des rôles faits sur mesure pour eux. Pour conclure, voici quelques répliques d'Audiard pour vous donnez soif:

-Gabin: "Je ne vous apprendrais rien en vous rappelant que Wang Ho veut dire fleuve jaune et Yang-Tsé-Kiang fleuve bleu. Je ne sais si vous vous rendez compte de l'aspect grandiose du mélange: un fleuve vert, vert comme les forêts, comme l'espérance... Nous allons repeindre l'Asie et lui donner une couleur tendre. Nous allons installer le printemps dans ce pays de merde!"

-P. Frankeur: "Avec Albert si vous avez pas soif, vous serez tout de suite servi!" 

-Une serveuse: "Pour le picon-bière, c'est moitié-moitié?" 

Belmondo: "Ça peut le devenir, mais je saute pas un obstacle sans élan!" 

-Belmondo: "Sous prétexte de nous empêcher de boire, les femmes ne rêvent qu'à nous mettre en bouteille!"

-Belmondo: " Monsieur Hénault, si la connerie n'est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille!"

-Gabin: "Dis-toi bien que si quelque chose devait me manquer, ce serait plus le vin, ce serait l'ivresse!" 

-Gabin: "Il est autant anglais que Lawrence d'Arabie est arabe. Perfidie légendaire!" 

-Gabin (à Belmondo): "Môme! T'es mes vingt ans!..." 

-Belmondo: "Si je buvais moins, je serai un autre homme. Et j'y tiens pas!" 

Divertissement garanti! Une bonne cuite ou une bonne brosse en prime! Amusez-vous et riez tout votre soûl! Mathieu Lemée

MÉLODIE EN SOUS-SOL aka Any Number Can win aka The Big Grab - Henri Verneuil avec Jean Gabin, Alain Delon, Maurice Biraud, Viviane Romance, Carla Marlier, Georges Wilson, Claude Cerval, Jean Carmet, Dora Doll, Henri Virlojeux, 1963, France, 104m, 116m version européenne

Après avoir passé 5 ans derrière les barreaux, Monsieur Charles n'a pas l'intention de se réhabiliter dans la société maintenant qu'il est libre. Pendant son séjour en prison, il a d'ailleurs mis au point un coup fumant préparé par un de ses amis afin d'assurer ses vieux jours: cambrioler le Casino de Cannes. Son ami étant malade, il s'adjoint pour ce faire un jeune truand qu'il a rencontré en prison, Francis et le beau-frère de ce dernier, Louis. Après quelques préparatifs, le trio s'installe à Cannes dans deux hôtels différents; Charles joue les mondains avec son "chauffeur" Louis afin de mieux surveiller les allées et venues du directeur du Casino lorsqu'il va déposer les recettes dans son coffre-fort. De son côté, Francis doit séduire l'une des danseuses de l'établissement afin d'avoir accès aux coulisses de la scène où se trouve la conduite d'aération qui mène tout droit à la salle des coffres. Le vol a lieu comme prévu au jour J et malgré quelques ennuis imprévus, Charles et Francis réussissent leur coup en dérobant près d'un milliard de centimes. Les deux hommes cachent le magot dans un endroit sûr mais Francis a commis l'erreur de se laisser prendre en photo au Casino avant le vol et celle-ci est publiée dans les journaux. Charles et Francis doivent donc trouver un moyen de fuir plus rapidement que prévu avec l'argent et le tout se terminera de façon inespérée.

Après la réunion Gabin-Belmondo pour le film "UN SINGE EN HIVER", le réalisateur Henri Verneuil et le scénariste-dialoguiste Michel Audiard ont voulu cette fois réunir le vétéran Gabin avec l'autre jeune star montante au cinéma: Alain Delon. Adaptée d'un polar américain, Audiard en a transposé l'intrigue en sol français avec beaucoup d'aisance. Bien que le récit, qui décrit minutieusement les préparatifs, la technique et l'accomplissement d'un vol audacieux et difficile, ne s'avère pas nouveau sous le soleil, il est à tout le moins bien charpenté et raconté de façon fort intéressante. Si le traitement se veut sérieux et en dehors des parodies habituelles du genre chez Audiard, les dialogues de l'auteur demeurent toujours habiles, percutants et pleins de brio. La mise en scène de Verneuil est tout aussi rigoureuse que le scénario, même si l'approche reste commerciale. En résumé, malgré une ou deux longueurs, ce film policier français est une réussite indubitable et dont le succès en salles à l'époque de sa sortie fût pleinement mérité. Encore aujourd'hui, ce long-métrage est découvert en grand nombre par une nouvelle génération de spectateurs qui l'apprécient et l'ont élevé au rang de film-culte. Si le jeu de Jean Gabin demeure toujours efficace, il se fait toutefois voler la vedette ici par Alain Delon, qui a su s'imposer avec talent et avec beaucoup de prestance. À voir donc (disponible en DVD au Québec). Mathieu Lemée

Les TONTONS FLINGUEURS aka Le Terminus des Prétentieux - Georges Lautner avec Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Sabine Sinjen, Venantino Venantini, Jean Lefèbvre, Horst Frank, Claude Rich, Robert Dalban, Mac Ronay, Pierre Bertin, 1963, France, 106m

Un ancien gangster vivant maintenant dans la légalité, Fernand Naudin, est appelé à Paris par son ancien patron, un chef de bande qui se nomme Louis le Mexicain. Celui-ci, mourant, confie la conduite de ses affaires et la tutelle de sa fille Patricia à Fernand, ce qui ne fait pas du tout l'affaire de ses associés, particulièrement les frères Volfoni. En même temps que Fernand doit s'occuper d'une adolescente émancipée et s'assurer qu'aucun garçon ne s'intéresse à elle pour un futur héritage, il doit aussi échapper aux truands qui veulent le descendre et prendre sa place au sommet de la pyramide. Grâce à quelques personnes qui lui sont fidèles, Fernand ne se laisse pas faire et s'impose aux truands, surtout les frères Volfoni qui sont les plus réticents à l'autorité, et les enjoint à payer leurs redevances en retard. En revanche, il a beaucoup de mal à s'entendre avec Patricia, qui est amoureuse d'un jeune homme bavard de bonne famille, Antoine Delafoy, et dont Fernand ne veut rien savoir. Avec le temps, les choses s'arrangent et Patricia peut épouser Antoine grâce à quelques arguments qui ont convaincu Fernand. Il découvre aussi que les attentats contre lui ne sont pas le fait des frères Volfoni, mais de Théo, un gangster allemand et de quelques complices. Le jour du mariage de Patricia et d'Antoine, Fernand et ses tueurs se chargent donc d'éliminer Théo et sa bande.

Extraordinaire parodie des films de gangsters, cette comédie est devenue un film culte quasi fétichiste de par ses dialogues savoureux et truculents, écrits par un Michel Audiard au sommet de sa forme. Succès indiscutable lors de sa sortie, les spectateurs continuent encore aujourd'hui d'apprendre les répliques désopilantes du film par coeur. Le récit, très librement adapté d'un roman de la Série Noire de l'auteur Albert Simonin, fourmille de gags marrants, de personnages dépareillés aux attributs qui portent à rire et de scènes de bastons ou de "bourre-pifs" cocasses, tout comme les coups de revolver avec des sons de silencieux rigolos. Le réalisateur Georges Lautner règle le tout avec beaucoup d'équilibre dans une mise en scène vigoureuse qui participe au ton de pastiche de l'ensemble. Comme en plus, l'intrigue ménage quelques surprises et des rebondissements loufoques surprenants, il est difficile de trouver des défauts à ce film qui est presque aimé à l'unanimité chez le public et la critique. Cet ensemble désinvolte où les règlements de compte entre gangsters sont tous traités à la blague, bénéficie en plus d'une musique de circonstance du compositeur Michel Magne et d'un casting européen du tonnerre (co-production oblige!); chaque rôle semble avoir été écrit de toute évidence sur mesure pour les acteurs qui les incarnent respectivement. Ceux-ci en profitent d'ailleurs pleinement pour s'amuser ferme avec une gaieté contagieuse. Un monument cultissime de la comédie française qui fait toujours rire une nouvelle génération de spectateurs. Un must absolu (disponible au Québec en DVD).  Mathieu Lemée

Site officiel pour trouver le scénario complet du film: dpallois.club.fr/

Les BARBOUZES - Georges Lautner avec Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Charles Millot, Mireille Darc, Jess Hahn, André Weber, Noël Rocquevert, Françoise Giret, Violette Marceau, Robert Secq, Yuzuru Shoji, 1964 - France/Italie, 108m

Suite au décès d'un important trafiquant d'armes, Benarshah, les services secrets français chargent leur meilleur agent, Francis Lagneau, de récupérer les plans d'armes à haute puissance que la veuve du défunt, Amaranthe, a hérité. Se faisant passer pour un lointain cousin de Benarshah, Lagneau se présente auprès d'Amaranthe lors des funérailles, mais il se rend compte qu'il doit faire face à d'autres agents secrets qui convoite aussi les plans. En effet, l'agent italien Eusebio Cafarelli s'est présenté en tant que prêtre, l'agent allemand Hans Müller s'est fait passé pour le psychanalyste de Benarshah et l'agent russe Boris Vassiliev se prétend le demi-frère lointain du défunt. Amaranthe ne fait aucun cas de la présence de ces inconnus dans son château et accepte même de les loger. Commence alors une féroce compétition entre Lagneau et les autres agents qui passent bien près de s'entretuer à plusieurs reprises pour la possession de ces fameux plans. Le tout se complique toutefois lorsqu'un agent américain se présente de manière insistante pour faire une offre d'achat alléchante à Amaranthe et que des agents chinois dissimulés dans le château liquident tout le personnel et les valets afin de prendre leurs places pour mieux voler les plans. Ne pouvant offrir aucun montant pour les racheter, Lagneau s'emploie à séduire la veuve héritière et à lui dire partiellement la vérité sur son métier afin de réussir sa mission, car il s'avère finalement qu'Amaranthe n'est pas aussi naïve qu'elle en a l'air. Il devra toutefois échapper à de nombreux pièges et tentatives d'attentats de la part des agents ennemis qui sont très tenaces.

Devant l'incroyable succès des "TONTONS FLINGUEURS", le tandem composé de Georges Lautner à la réalisation et de Michel Audiard au scénario et aux dialogues a de nouveau réuni le trio vedette de ce film (Ventura, Blier, Blanche) pour une nouvelle comédie. Après avoir parodier les gangsters, c'est au tour du petit monde de l'espionnage et des agents secrets de subir la verve satirique d'Audiard. La mission du héros et de ses opposants n'est donc pas à prendre au sérieux le moins du monde puisqu'il s'agit simplement d'un prétexte à une avalanche de situations comiques complètement rocambolesques dont la mise en scène généreuse de Lautner en exploite avec adresse les possibilités. Ainsi, en plus des séquences comportant des dialogues vraiment savoureux témoignant à nouveau du talent d'Audiard, on retrouve quelques moments d'action où les bagarres, les coups de poings et les coups de flingues (toujours avec des sons de silencieux loufoques) sont au service de gags visuels qui portent à rire (on a même droit à une séquence fort drôle de combat d'arts martiaux entre Ventura et deux chinois!!!). L'ensemble est mené rondement grâce à un rythme sans défaillances et les spectateurs ne pourront pas faire autrement que de se bidonner férocement en visionnant ce long-métrage dont la trame prend l'allure d'un canular savamment mis au point. Même la conclusion du film se veut à la fois surprenante et hilarante à bien des égards. Tous les comédiens ont visiblement l'air de s'amuser ferme dans l'incarnation de leurs personnages respectifs tout en mordant à pleines dents dans les répliques spirituelles d'Audiard. Un vrai régal pour les fans de séries B parodiques. Mathieu Lemée

CENT MILLE DOLLARS AU SOLEIL - Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Bernard Blier, Reginald Kernan, Andréa Parisy, Gert Fröbe, Doudou Babet, Pierre Mirat, 1964, France, 130m

Rocco est un chauffeur de camion qui travaille pour une compagnie de transport établie à Blima au Maroc dans le désert du Sahara. Son patron Castigliano recrute un jour un dénommé Steiner pour qu'il conduise un camion-remorque, chargé d'une cargaison louche, jusqu'à Moussorah au Nigéria. Avec la complicité d'une amie, Pepa, Rocco s'arrange pour s'emparer du camion de Steiner et part lui-même pour le Nigéria afin d'en vendre le contenu mystérieux pour son propre profit. Mais le patron Castigliano envoie à sa poursuite un autre chauffeur, Marec, auquel se joint Steiner, furieux d'avoir été licensié pour le vol de son camion et qui compte bien faire payer Rocco. Castigliano promet à Marec la récompense de 2 millions s'il récupère le camion volé. Après plusieurs difficultés, Marec parvient finalement à rejoindre Rocco et les deux hommes se livrent à une poursuite homérique en montagne qui se terminera de façon assez imprévisible.

La situation de base de cette intrigue semblait rappeler par moments le chef-d'oeuvre de Henri-Georges Clouzot: "LE SALAIRE DE LA PEUR". Mais grâce à Henri Verneuil comme réalisateur et Michel Audiard comme scénariste-dialoguiste, ce film-ci s'en démarque en tout point. Il s'agit en quelque sorte d'un film de poursuite où l'action et le suspense se déroulent à un rythme rapide dans de superbes décors naturels africains. En bon réalisateur commercial, Verneuil sait comment mettre en scène une histoire en en exploitant chacune des possibilités pour maintenir l'intérêt du public et il y parvient encore dans ce cas-ci. La désinvolture des personnages et le ton d'humour imaginé par Michel Audiard dans l'écriture des dialogues permettent également au film de contenir plusieurs réparties à l'emporte-pièce très amusantes qui servent admirablement les interprètes, ce qui confère au film un atout supplémentaire. La séquence de poursuite dans la montagne sur une paroi s'avère un fabuleux morceau de bravoure. Un excellent film qui mêle adroitement la drôlerie et la tension en plus d'avoir le mérite d'opposer à l'écran deux stars mythiques du cinéma français, Belmondo et Ventura (tous les deux en pleine possession de leurs moyens), dans une confrontation musclée. On adore! Mathieu Lemée

Un DRÔLE DE CAÏD aka Une souris chez les Hommes - Jacques Poitrenaud avec Louis de Funes, Danny Saval, Maurice Biraud, 1964, France

Deux hommes aux apparences inoffensives ont un travail de nuit fort lucratif: la cambriole. Surpris par la jeune Lucille lors d'un larcin, la mignonnette décide de les faire chanter, puis de s'associer de force à eux pour commettre des vols encore plus abracadabrants !

La ravissante petite comédie que voilà ! Danny Saval fait la croquante ingénue qui se frotte à Louis De Funes, le spécialiste de l'ouverture de coffre et Maurice Biraud, excellente équipe ! Les coups sont trop beaux pour être vrais et naturellement y a de la foire. De Funes en rajoute en mimiques et bruits d'un excès jouissif et le scénario n'a aucun temps mort ! Bercé par une petite musique d'accordéon musette, on savoure le tout avec le sourire fendu aux oreilles. Mario Giguère

PAR UN BEAU MATIN D'ÉTÉ - Jacques Deray avec Jean-Paul Belmondo, Sophie Daumier, Geraldine Chaplin, Gabriele Ferzetti, Adolfo Celi, Akim Tamiroff, Jacques Higelin, Georges Géret, Germaine Kerjean, 1964, France/Espagne/Italie, 108m

Francis et sa soeur Monique vivent de douteux expédients sur la Côte d'Azur: Monique attire des messieurs de bonne réputation dans sa chambre et Francis les prend par surprise sur le fait, ce qui veut dire que les messieurs qui sont tombés dans le piège en sont quittes pour payer un montant subséquent en échange du silence de Francis et de Monique. Voulant néanmoins changer de vie, Francis et Monique se laissent embarquer dans un coup mis au point par un gangster, Kramer, et qui devrait rapporter à tous un joli magot. Il s'agit de kidnapper Zelda Van Willie, la fille d'un milliardaire américain, en échange d'une forte rançon. Suivant le plan, les gangsters réussissent leur enlèvement et ils emmènent Zelda dans la villa isolée d'un peintre célèbre située en Andalousie. Mais après que le peintre ai agi comme intermédiaire pour la réclamation de la rançon, les choses dérapent pour les ravisseurs car Zelda s'est mise à s'amouracher de Francis. Une bagarre éclate au cours de laquelle Francis tue un complice et Monique est mortellement blessée. L'aventure se termine par l'arrestation de Kramer par la police et par la mort de Monique dans les bras de son frère rempli de chagrins et n'attendant plus que sa propre arrestation.

Célèbre auteur de romans policiers, James Hadley Chase a souvent vu ses oeuvres adaptées à l'écran mais la plupart du temps, cela a donnée un résultat souvent édulcoré et décevant étant donné l'immense potentiel de ses bouquins. Pour cette adaptation-ci, le réalisateur Jacques Deray et le scénariste-dialoguiste Michel Audiard ont réussi à s'en sortir mais de peine et de misère. L'intrigue est généralement bien menée grâce surtout à de bonnes répliques comme seul Audiard sait en écrire et la mise en image profite à plein d'une belle photographie des paysages de l'Andalousie. Par contre, le récit possédait des atouts que les auteurs ont hélas laissé de côté, ce qui en a diminué le potentiel dramatique et le côté vraisemblable des situations. De ce fait, certains personnages s'avèrent beaucoup plus stéréotypés et unidimensionnels que l'on ne s'y attendait, ce qui explique l'accueil mitigé que le film a reçu à l'époque de sa sortie. Tel quel pourtant, le film se veut assez divertissant et il n'y donc aucun risque à le regarder car il y a déjà eu bien pire dans le genre. Belmondo interprète un personnage assez familier de voyou gouailleur mais la fille de Charlie Chaplin, Geraldine, se veut une révélation en faisant de son personnage de Zelda une personnalité touchante grâce à une surprenante composition. Mathieu Lemée

DES PISSENLITS PAR LA RACINE - Georges Lautner avec Michel Serrault, Maurice Biraud, Mireille Darc, Louis de Funès, Francis Blanche, Venantino Venantini, Gianni Musi, Yves Barsacq, Raymond Meunier, Darry Cowl, 1964, France, 95m

Jérôme, Michel Serreault, est au comptoir du bar du coin, tout comme trois ex-détenus fraîchement débarqués qui cherchent son cousin Jacques, le pauvre Louis De Funes, qui en avait profité pour s'acoquiner avec la blonde du chef, la troublante Rockie La Braise, Mireille Darc. Lorsque Jérôme et Jacques se retrouvent avec un cadavre sur les bras, leur monde bascule à tout jamais.

Adorable comédie que voilà, toute en dialogues finement ficelés, des comédiens hors pair, des situations rocambolesques, sans parler de Mireille Darc, ahhhh, ce qu'elle est belle et comique dans ce film ! Francis Blanche est complètement fou lorsqu'il tripote le crâne du malfrat et la musique, particulièrement dans une soirée sautée et dans un trio surprenant, est également remarquable. 1h35 qui passe vite, j'en redemande. De Funes n'a pas le rôle principal, qui revient à Serreault, mais il s'en donne à coeur joie, oui monsieur ! Mario Giguère

Le bandit Pomme-Chips vient à peine de sortir de prison qu'il apprend que sa petite amie Rockie La Braise est maintenant la maîtresse de Jockey Jack. Ils se croisent dans un bar et Pomme-Chips poursuit alors Jack, qui fuit jusqu'au théâtre pour se cacher dans la loge de son cousin Jérôme. Pomme-Chips retrouve néanmoins Jack dans les coulisses pendant la représentation d'une pièce. Jack tue accidentellement Pomme-Chips et cache le corps dans l'étui à contrebasse de son cousin Jérôme. Celui-ci, ignorant tout de la situation, va à une réception amicale avec son étui à contrebasse. Le corps du macchabée est finalement découvert et Jérôme se voit obligé à aider son cousin Jack à le faire disparaître. Jérôme emmène donc avec Jack le corps du défunt chez son oncle Absalon en attendant, mais celui-ci, croyant qu'il s'agit d'un corps livré pour ses expériences scientifiques, le fait dépecer jusqu'aux os. C'est alors que l'un des amis de Pomme-Chips, Jo Arengeot, apprend que le défunt portait sur lui un billet gagnant d'une très grosse somme aux courses de chevaux. Il charge alors Rockie La Braise de séduire Jérôme pour récupérer le billet, qui se trouve justement dans la poche de la veste de Pomme-Chips, portée maintenant par l'oncle Absalon. Un retournement inattendu viendra cependant mettre fin aux espoirs de Jo Arengeot alors que Jérôme gagnera le coeur de Rockie La Braise tout en encaissant le billet gagnant.

Après l'extraordinaire succès sans précédent du film "LES TONTONS FLINGUEURS", le réalisateur Georges Lautner et le scénariste-dialoguiste Michel Audiard ont tenu à renouveler cette réussite en parodiant à nouveau de façon grinçante les polars de la Série Noire. Le roman de Clarence Weff, qui sert ici d'inspiration, a donc été librement adapté à l'écran par les auteurs pour aboutir à une sorte de vaudeville quelque peu macabre où des quiproquos loufoques flirtent avec des effets insolites. Le dialogue d'Audiard fournit encore sa part de répliques drôles et percutantes au sein d'une intrigue fertile en situations extravagantes contenant parfois quelques incohérences. Les personnages sont bien campés, parfois même avec un certain degré de fantaisie inventive pour donner du souffle au potentiel comique d'un récit quand même échevelé. Tout cela peut apparaître gratuit, chargé et un peu lourd ou monté à l'emporte-pièce par moments pour certains spectateurs, mais pourtant, on se laisse séduire quand même par cette comédie policière au ton absurde où baigne une certaine folie contagieuse qui vient nous ragaillardir avec joie. Donc, très rigolo et à conseiller pour supprimer la tristesse de vos soirées. Le film bénéficie en plus d'une distribution remarquable où tous les interprètes cadrent avec leurs personnages respectifs en plus de s'amuser en diable. À ce sujet. Louis de Funès et Francis Blanche nous offrent des compositions farfelues mémorables tandis que Michel Serrault, Maurice Biraud et Mireille Darc sont à la fois drôles et charmants. Soulignons en plus une apparition comique savoureuse de Darry Cowl. Mathieu Lemée

NE NOUS FÂCHONS PAS aka Let's Not Get Angry - Georges Lautner avec Lino Ventura, Jean Lefebvre, Michel Constantin, Mireille Darc, Sylvia Sorrente, Tommy Duggan, Thierry Thibaud, France Rumilly, André Pousse, Robert Dalban, 1966, France, 100m

Antoine Beretto est un ancien truand recyclé dans la vente et la location de transports maritimes. Deux de ses anciens amis lui rendent visite et font appel à lui pour les aider à passer la frontière. Comme compensation financière pour ce service, les deux hommes chargent Antoine de récupérer une forte somme d'argent que leur doit un dénommé Michalon. Antoine se rend donc chez le débiteur en question, mais tombe face à face avec un homme armé qu'il se voit forcé d'abattre dans la chambre de Michalon. Cet homme armé se trouve à être à la solde d'un Anglais surnommé le Colonel qui tient à liquider Michalon par tous les moyens. Celui-ci ne pouvant payer Antoine, l'ancien truand l'emmène donc avec lui d'ici à ce qu'il puisse le rembourser. Antoine cache alors Michalon chez un ami, Jeff, mais les trois hommes sont la cible d'attaques constantes des hommes du Colonel. Aucune entente n'étant possible et devant l'acharnement du Colonel à vouloir tuer Michalon, Antoine se décide finalement à passer à la contre-attaque et avec l'aide de Jeff, il entreprend d'éliminer le Colonel et ses hommes.

Après "LES TONTONS FLINGUEURS" et "LES BARBOUZES" et toujours sous le signe de la détente assurée, cette troisième collaboration Lautner-Audiard-Ventura se veut une amusante farce bien menée. Le film se déroule effectivement à vive allure et comporte sa large part de gags pétaradants, de scènes d'actions amusantes et de mots d'auteur truculents tirés de l'esprit du légendaire dialoguiste Michel Audiard, toujours en grande forme. La réalisation, la couleur et le format Techniscope sont magnifiquement utilisées en plus de contribuer à l'atmosphère satirique du métrage. L'humour et les cascades ne manquent jamais de piquants, tous comme les rebondissements "explosifs" si l'on peut dire, ce qui aide à faire passer sans que l'on s'en rende compte la grosseur exagérée des situations. Le ton léger et la décontraction du jeu des interprètes, notamment celle du quatuor vedette composé de Ventura, Lefebvre (toujours à l'aise dans la peau d'un idiot innocent!), Constantin et de la pétillante Mireille Darc, viennent compléter la réussite de ce divertissement pas piqué des vers. Amusement garanti!! Mathieu Lemée

Le PACHA -  Georges Lautner avec Jean Gabin, Dany Carrel, André Pousse, Robert Dalban, 1968, France/Italie, 84m

Avec quelques complices, Marcel Lurat dit Quinquin réussit à dérober des bijoux valant plusieurs millions pendant leur transport vers la Hollande. L'un des policiers chargés du convoi, Albert Gouvion, est retrouvé mort apparemment suicidé le matin suivant. Le commissaire divisionnaire Joss, ami de longue date de ce dernier, n'est pas convaincu qu'il s'est suicidé et découvre avec surprise que Gouvion avait partie liée avec les voleurs. Dans son enquête, Joss acquiert la certitude que Quinquin, qui a abattu tous ses complices pour éviter le partage, est également l'assassin de Gouvion, mais il n'a aucune preuve. Il obtient l'aide de la soeur de l'un des complices tués par Quinquin et fiancée d'Albert Gouvion, Nathalie Villard, pour tendre un piège à ce dernier. Joss espère ainsi venger son pote tout en faisant le ménage chez les criminels avant sa retraite.

Écrit et dialogué par Michel Audiard, qui retrouve ici son acteur fétiche Jean Gabin et son réalisateur de prédilection Georges Lautner, ce film policier est mené avec savoir-faire et compétence. Adapté librement d'une portion du roman de Jean Delion "POUCE", l'intrigue est menée rondement du début jusqu'à la fin. Les dialogues d'Audiard sont percutants à souhait ("Je pense que lorsque l'on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner!"... "Quand on parle pognon à partir d'un certain chiffre, tout le monde écoute!"...), les scènes d'action techniquement bien ficelées et les décors impressionnants (le commissariat de police, le cabaret "Le Hippies" et l'appartement de Nathalie Villard par exemple). Le jeu des acteurs est sans fausse note; Jean Gabin n'a aucun effort à fournir pour rendre crédible son personnage de flic réactionnaire et nostalgique, Dany Carrel offre un jeu plein de fraîcheur et André Pousse n'a pas son pareil pour composer un rôle familier de salopard. Un petit bijou du polar français malgré qu'il soit de courte durée (84 minutes). Avec en plus l'inégalable musique de Serge Gainsbourg (qui a une courte présence dans le film où il salue Gabin) qui agit souvent en contrepoint et en parfait accord avec le récit. Tout le monde ensemble: "...C'est le requiem pour un con! ... Ouais! Je l'ai composé spécialement pour toi... À ta mémoire de scélérat...". Mathieu Lemée

Le CORPS DE MON ENNEMI - Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo, Marie-France Pisier, Bernard Blier, François Perrot, Daniel Ivernel, Claude Brosset, Yvonne Gaudreau, Nicole Garcia, Charles Gérard, Michel Beaune, René Lefebvre, Bernard-Pierre Donnadieu, 1975, France, 121m

Après avoir purgé une peine de 7 ans de prison pour un double-meurtre qu'il n'a pas commis, François Leclercq revient dans sa ville natale de Cournai afin de découvrir l'identité du vrai meurtrier. Tout au long de ses recherches et de ses retrouvailles avec des anciennes connaissances, François se revoit lors de ses débuts modestes dans la ville alors qu'il était propriétaire et directeur d'une boîte de nuit très fréquentée. François se rappelle également avoir conquis le coeur de Gilberte Liégard, la fille du plus puissant industriel de la ville: Jean-Baptiste Liégard, dont le mariage annoncé lui aurait permis de faire partie de la bourgeoisie en place. Mais Liégard s'est arrangé pour que sa fille épouse plutôt un aristocrate de bonne famille. Par ailleurs, l'associé de François dans l'administration de la boîte de nuit, Di Massa, se livrait au trafic de drogue dans l'établissement. L'ayant découvert, François a expulsé Di Massa mais peu de temps après, le corps d'une star du foot et celui d'une des employées de la boîte sont retrouvés morts dans le bureau de François. Celui-ci comprend donc que pour retrouver le responsable de la machination qui l'a fait emprisonner, il se doit de faire parler Di Massa. François le retrouve et parvient à lui soutirer l'identité de l'homme responsable des meurtres et de sa condamnation. Il met alors au point un piège pour le compromettre définitivement.

Le réalisateur commercial par excellence en France, Henri Verneuil, se lance à son tour dans le drame socio-politique afin de profiter de l'énorme succès de ce genre dans les années 70. À partir d'un roman au ton littéraire (où il n'y a qu'un paragraphe par chapitre) de l'écrivain Félicien Marceau, Verneuil a su présenter un film au professionnalisme aguerri où la mécanique est savamment rodée. Le scénario intègre judicieusement les flashbacks à la trame du récit ainsi que ses éléments de critique sociale au sein d'une intrigue simple d'apparence conventionnelle. Ayant déjà évoqué les grandes bourgeoises familiales dans le film "LES GRANDES FAMILLES", le scénariste-dialoguiste Michel Audiard se retrouve donc ici en terrain familier dans l'écriture de nombreuses répliques corrosives ou cinglantes (au ton franchement satirique) illustrant l'emprise du pouvoir et dénonçant les industriels (surtout ceux venant du milieu du textile) qui ne pensent qu'à protéger leurs intérêts et qui agissent en élite fermée comme une nouvelle aristocratie dans le monde contemporain. Le tout progresse avec charme et intelligence, même si le film contient peu d'action, d'humour et encore moins de surprises. Les acteurs ont tous été judicieusement choisi pour leurs rôles respectifs, ce qui rajoute de la conviction à l'ensemble. Belmondo compose avec solidité son personnage de jeune affairiste ambitieux victime d'une injustice flagrante. Mathieu Lemée

L'INCORRIGIBLE - Philippe De Broca avec Jean-Paul Belmondo, Geneviève Bujold, Julien Guiomar, Charles Gérard, Daniel Ceccaldi, Capucine, Andréa Ferrol, Robert Dalban, Catherine Lachens, 1975, France, 95m

Après avoir purgé une peine de prison de trois mois pour escroquerie, Victor Vauthier, avec l'aide de son complice Raoul, reprend à nouveau ses activités d'arnaqueur en vendant à des riches touristes américains naïfs des appartements ou des yachts qui ne lui appartiennent pas. Une histoire de galanterie force cependant Victor à aller se réfugier chez son oncle Camille, qui vit seul dans une roulotte en plein coeur d'un terrain vague. Une fois installé là-bas, Victor reçoit la visite de Marie-Charlotte Pontalec, une assistante sociale chargée de le surveiller et de voir à sa réinsertion. Victor, en beau-parleur sûr de lui, entreprend de séduire Marie-Charlotte mais celle-ci, quoique séduisante, demeure immunisée aux charmes de celui-ci. Lorsque Victor apprend que le père de Marie-Charlotte, conservateur de musée, possède un triptyque de grande valeur, il décide de le dérober avec l'aide de Raoul et d'un autre ami. Ceci l'entraînera cependant dans de nombreuses complications, autant sentimentales avec Marie-Charlotte que policières avec les forces de l'ordre.

Ce film marque le retour de Michel Audiard au métier de scénariste-dialoguiste après une courte carrière de réalisateur. La bonne nouvelle, c'est qu'Audiard travaille ici pour la première fois avec Philippe De Broca, metteur en scène spécialisé dans les comédies d'aventures à grand spectacle dont l'univers se rapproche beaucoup de celui du célèbre dialoguiste. Cette union entre ces deux hommes talentueux donne un film très décousu qui permet à la vedette Jean-Paul Belmondo d'y aller de son petit numéro dans un rôle à transformations multiples où il se dépense généreusement au grand plaisir du public. La réalisation se veut animée grâce à un rythme qui va bon train tout en faisant preuve d'expérience pour camoufler les invraisemblances de l'intrigue. Bien sûr, tout cela serait vain sans les nombreuses répliques drôles et mordantes écrites par un Audiard qui n'a pas perdu la main comme dialoguiste, loin de là. Il s'agit donc d'une comédie fantaisiste pleine de charme et d'humour qui divertira la plupart des spectateurs à la recherche d'un divertissement léger conçu par des professionnels au métier assuré et éprouvé. Geneviève Bujold rehausse le film de sa présence. Mathieu Lemée

L'ANIMAL aka The Animal aka Stuntwoman - Claude Zidi avec Jean-Paul Belmondo, Raquel Welch, Aldo Maccione, Julien Guiomar, Charles Gérard, Raymond Gérôme, Dany Saval, Mario David, Jane Birkin, Johnny Hallyday, Yves Mourousi, Claude Chabrol, 1977, France, 103m

Michel Gaucher travaille comme cascadeur sur les plateaux de cinéma. Il est amoureux d'une collègue américaine, Jane Gardner, qui aime également Michel. Pourtant un jour, à la suite d'une série d'imbroglios, Jane rompt avec Michel qu'elle trouve finalement maladroit. Lorsque Michel est engagé pour être la doublure d'une star italienne venue tourner en France, Bruno Ferrari, à cause d'une extraordinaire ressemblance, notre intrépide cascadeur essaie de relancer Jane pour qu'elle travaille à nouveau avec lui sur le film. Bien qu'elle soit censée se marier avec le comte de Saint-Prix, elle accepte néanmoins de travailler avec Michel sur quelques cascades. Celui-ci veut profiter de la situation pour reconquérir Jane mais il multiplie les gaffes et celle-ci semble de plus en plus réticente à l'idée d'être en sa compagnie, ce qui gâche parfois le tournage du film dès qu'ils entrent en conflit tous les deux. Michel n'est cependant pas découragé et il continue avec persistance à vouloir regagner le coeur de Jane malgré les embûches.

Après avoir travaillé avec des acteurs comiques aussi diversifiés que les Charlots, Pierre Richard et Louis de Funès, le réalisateur Claude Zidi collabore cette fois avec Belmondo pour une nouvelle comédie. Disposant d'un budget imposant, de l'apport de Michel Audiard au scénario et aux dialogues et d'une superbe distribution, Zidi n'a cependant pas su exploiter à fond le potentiel de son sujet, à croire même que tout ce talent et tous ces moyens luxueux l'aient plus gêné dans son travail au lieu de l'inspirer. L'intrigue progresse avec lourdeur et contient trop de situations forcées pour véritablement l'alléger ou donner à l'ensemble toute la loufoquerie souhaitée. Néanmoins, certaines séquences sont des réussites autant sur le plan purement comique que sur le b-a-ba du métier et de la technique des cascadeurs avec quelques idées burlesques bien employées et quelques réparties de grand crû signées Audiard. La conclusion s'avère évidemment inévitable et prévisible mais cela est pardonnable dans ce contexte. Belmondo en met des tonnes dans un double-rôle: celui du cascadeur et de son sosie, un acteur homosexuel alors que sa partenaire Raquel Welch, bien que toujours aguichante, se défend comme elle peut. Bref, un film moyen. Mathieu Lemée

MORT D'UN POURRI aka Death of a Corrupt Man - Georges Lautner avec Alain Delon, Ornella Muti, Michel Aumont, Klaus Kinski, Jean Bouise, Stéphane Audran, Julien Guiomar, Daniel Ceccaldi, Maurice Ronet, Mireille Darc, Xavier Depraz, François Chaumette, Henri Virlojeux, 1977, France, 123m

Un matin, alors que Delon dort, son ami Dubaye, député dont il représente les intérêts, le réveille à 5 heures du mat' pour lui annoncer qu'il a tué une crapule qui le soutenait tout en le faisant chanter. Delon décide de le couvrir, lui fournit un alibi, et retourne se coucher. Un petit problème se dresse le lendemain, alors qu'il est interrogé par deux commissaires : le tueur a volé un carnet dans lequel la crapule du titre notait soigneusement tous les pots-de-vins et transactions irrégulières allouées à un bon paquet de gens importants, et ces gens veulent à tout prix éviter d'être compromis. On règle son compte à Dubaye et les tueurs, le trouvant les mains vides, décident de reporter leur affection sur Delon, après lequel ils vont courir pour récupérer ce "journal intime de la corruption".

Thriller politique fortement teinté d'une paranoïa criminelle typiquement 70's, MORT D'UN POURRI fut réalisé par un Georges Lautner au sommet de sa forme, disposant ici d'une équipe de rêve et d'un casting enviable. Avec Michel Audiard aux dialogues et à la co-scénarisation, nous sommes donc certains de retrouver des perles dans la bouche de tous les personnages !

Adaptation d'un roman de Raf Vallet, habitué de la Série Noire, cette super-production, bien que durant légèrement plus que deux heures, se laisse regarder sans problèmes en raison de son rythme vif et des relations noueuses entre les personnages. Retournements multiples, espérance de vie réduite, magouilles de toutes sortes, voilà une recette toute simple mais ô combien efficace !

Delon, dans le rôle principal, est bien fier de lui, et frime tant qu'il peut, entouré qu'il est de la crème de la série B française; Michel Aumont, gueule de fouine qui allait ré-apparaître en '90 dans un film au thème similaire, RIPOUX CONTRE RIPOUX; Maurice Ronet, le Dubaye refroidi, apparu dans de nombreuses productions des années '60-70 avant de sombrer dans MADAME CLAUDE; Jean Bouise, éternel moustachu fin finaud, habitué d'Yves Boisset vu dans FOLLE À TUER; Mireille Darc, la copine de Delon, déchaînée dans le surréaliste FANTASIA CHEZ LES PLOUCS ('71); Stéphane Audran, la veuve Dubaye qui ne rechigne pas à vider des bouteilles, superbe brunette mature, icône de Chabrol apparue entre autres dans LE TIGRE AIME LA CHAIR FRAÎCHE en '64...

Mais les deux véritables surprises sont ici Ornella Muti, en maîtresse de feu Dubaye, poitrine rebondissante et lèvres charnues, véritable tableau vivant et émouvant. Puis Klaus Kinski, avec sa classe habituelle, en haut dignitaire allemand aux sombres desseins, qui par sa seule présence sème une profonde inquiétude dans chaque scène où il apparaît, non doublé, ce qui nous donne l'occasion d'apprécier son petit accent tout mignon.

MORT D'UN POURRI est donc un grand cru européen, film policier presque sans police, action non-stop et scénario de qualité, qui n'ennuie pas une seule seconde et qu'on rêverait de voir apparaître sur le grand écran contemporain si seulement les artisans d'aujourd'hui n'étaient pas aussi obnubilés par le profit facile et les récits débiles. Orloff

Après avoir tué un ministre nommé Serrano, qui voulait le forcer à démissionner pour des raisons de corruption, le député Philippe Dubaye demande l'aide de son ami Xavier Maréchal pour se constituer un alibi. Xavier accepte par amitié mais apprend de la police que Philippe a aussi dérobé à Serrano un document compromettant pour la majorité des politiciens au pouvoir. Xavier parvient à les récupérer chez la maîtresse de Philippe mais celui-ci est assassiné peu après. Par la suite, de nombreuses personnalités haut placés entrent en contact avec Xavier Maréchal et lui enjoignent de leur remettre le dossier Serrano. La police, qui le suspecte du meurtre de Philippe, de leur côté encourage Xavier à remettre ces documents aux autorités concernés. Xavier s'entête à refuser toutes ces demandes afin de découvrir coûte que coûte l'identité de l'assassin de Philippe malgré les tueurs lancés à ses trousses. Lorsque l'épouse de Philippe meurt assassinée, Xavier publie quelques documents du dossier Serrano aux journaux, ce qui déclenche un scandale politique profond. L'étau se resserre donc autour de Xavier mais celui-ci est tenace dans sa tentative de démasquer le meurtrier de son ami.

Il arrive de temps en temps que Georges Lautner délaisse un peu la comédie pour réaliser des films plus sérieux. Avec son complice, le scénariste-dialoguiste Michel Audiard, il s'est aventuré comme beaucoup de ses collègues avant lui sur les sentiers de la critique politique au sein d'une intrigue policière. Avec la diversité des ramifications et le nombre élevé de personnages impliqués, c'est dire si le récit est assez complexe et ambitieux. Le spectateur ne risque pourtant pas de s'y perdre puisque la mise en scène est bien huilée, le rythme est rapide et les rebondissements sont bien ingénieux. Les scènes d'action et de suspense interviennent toujours au moment voulu et sont techniquement impeccables. N'oublions pas encore une fois la qualité des dialogues de Michel Audiard qui n'a pas son pareil pour écrire des réparties brillantes au vocabulaire et au verbe dénonciateurs qui mitraillent sans relâche sur la corruption généralisée des milieux de la politique, des affaires et même des corps policiers. Ce long-métrage se veut donc une réussite du genre, d'autant plus que le propos critique qui y est présenté est toujours d'actualité aujourd'hui, comme quoi il n'y a pas eu une grande évolution des moeurs parmi les gens du pouvoir depuis trente ans. Une superbe équipe d'interprètes, incluant entre autres le suave Klaus Kinski et la ravissante Ornella Muti, vient solidifier davantage la distribution autour d'un Alain Delon assez efficace. Mathieu Lemée

FLIC OU VOYOU - Georges Lautner avec Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt, Michel Galabru, Georges Géret, Jean-François Balmer, Claude Brosset, Charles Gérard, Juliette Mills, Michel Peyrelon, Roy Kendall, Venantino Venantini, 1979, France, 105m

À Nice, le commissaire corrompu Bertrand est retrouvé assassiné dans sa voiture près d'une corniche. Une prostituée est également découverte morte dans une chambre d'hôtel. Quelques temps plus tard, un inconnu surgit dans la ville et affirme être le frère de la prostituée morte. Tout en contant fleurette avec une romancière, il s'amuse à provoquer une guerre entre les deux groupes de criminels qui travaillent en ville. En réalité, l'inconnu n'est autre que Stanislas Borowitz, commissaire de choc de la police des polices, chargé d'enquêter sur la mort du commissaire Bertrand et de nettoyer la ville de ses gangsters et policiers corrompus. Lorsque ceux-ci découvrent sa véritable identité, ils tentent en vain d'en venir à bout puis trouvent un expédient en kidnappant sa fille adolescente. Borowitz n'a cependant pas dit son dernier mot.

Adapté d'un roman policier de Michel Grisolia, le scénariste Jean Herman et le dialoguiste Michel Audiard ont tout simplement remanié l'histoire du livre pour tailler un rôle à la mesure de la vedette Belmondo et pour traiter le sujet avec verve et humour. Cela donne un film percutant où la désinvolture, l'insolence et la gouaille du personnage principal en constitue le charme et l'originalité. Les répliques pétaradantes fusent à point nommé et feront rire plus d'un spectateur. Les actes de violences et les scènes d'action vont dans le même sens avec des mots d'esprits ou un emploi juteux du vocabulaire pendant des moments athlétiques. Une poursuite en auto signée Remy Julienne, s'avère à cet égard cocasse et burlesque. La mise en scène de Lautner est nerveuse et bien rôdé tout au service d'un divertissement amusant même dans l'utilisation des clichés. Michel Audiard est quant à lui, en pleine forme verbale et Belmondo compose avec bonne humeur un rôle très familier de policier aux méthodes expéditives et partisan de la violence dans la lutte contre le crime. Voici ci-dessous quelques répliques d'Audiard entendus dans le film:

-Belmondo: "Faudra vous mettre au régime!" 

Préposé: "Basses calories ou hydrate de carbone?" 

Belmondo: "Non, je pensais plutôt au régime pénitentiaire!" 

-Belmondo: "J'aurais aimé peindre!" 

Marie Laforêt: "Au pistolet?!" 

-Laforêt: "À quoi jouez-vous?" 

Belmondo: "Aux gendarmes et aux voleurs! Je joue une mi-temps dans chaque camp!" 

-Belmondo: "Décidément tu sais rien! Un vrai con!" 

Charles Gérard: "Ben, c'est peut-être vrai?" 

Belmondo: "Quoi? Qu'il est con?" 

Charles Gérard: "Ben non, qu'il sait rien!" 

-Belmondo: "Les seuls papiers qui m'intéressent, ce sont ceux de l'Imprimerie Nationale avec la tronche de Blaise dans le coin!"

-Belmondo (à un chef de gang): "Si t'as des volontés à exprimer, une prière que t'aimes bien ou bien un mot historique à balancer, magnes-toi, ca va péter dans 5 secondes!"

-Juliette Mills: "J'ai 14 ans et demie et je suis enceinte! T'entends ce que je te dis?!" 

Belmondo: "Tu as 14 ans et demie et tu es enceinte! C'est bien, c'est très bien. Mais ne te prends pas pour une surdouée! D'après ce que j'ai lu dans une revue littéraire, certaines petites négresses se marient dès l'âge de 8 ans!"

-Charles Gérard (à Belmondo): "Celui qui a des lunettes, c'est Rey. Le plus dangereux, c'est Rey. Le plus con, c'est Rey. L'autre c'est Massart!"

Une comédie policière à regarder absolument pour se bidonner et se dilater la rate. Mathieu Lemée

L'ENTOURLOUPE aka Nos intentions sont pacifiques aka The Swindle - Gérard Pirès avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Dutronc, Gérard Lanvin, Anne Jousset, Jean Lanier, Daniel Laloux, Isabelle Mergault, Abdennebi Aris. 1980, France, 90m

Deux petits truands sans envergures qui rêvent d'aventure et de vie facile, Olivier et Roland, ratent le cambriolage d'une épicerie. Ayant grandement besoin d'argent pour réaliser leurs rêves, ils acceptent de partir travailler dans le Poitou en tant que représentants de commerce. Leur patron sans scrupules, Castelard, les conseille pour qu'ils apprennent à exploiter la crédulité des paysans pauvres et incultes de la région en leur vendant des encyclopédies médicales de luxe. Mais l'arrivée dans la région de la petite amie d'Olivier, Valérie, commence à semer la pagaille alors qu'elle semble sensible aux belles paroles de Castelard. Lorsqu'Olivier, avec l'aide de copains arabes, se met à voler des vaches en espérant un profit rapide, les paysans en colère se révoltent rapidement et s'en prennent évidemment aux vendeurs d'encyclopédies. Suite au démantèlement de la petite équipe de Castelard, tous les personnages de cette histoire connaîtront un destin différent.

Bien que le livre d'origine se veut un polar de Francis Ryck, le dialoguiste Michel Audiard et son complice au scénario Jean Herman ont décidé d'en faire une adaptation différente sous la forme d'une comédie noire décalée au ton provocateur. Le récit se moque sans retenue autant de la vénalité des vendeurs itinérants persuasifs que de la naïveté et l'ignorance des gens de la campagne, en proposant une galerie de paumés caractéristiques dont les contradictions révèlent une incompréhension et un manque de communication entre eux. Le dialogue d'Audiard est à cet effet composé de répliques versant dans l'outrance très impolitiquement correcte, avec parfois des propos racistes rendant les personnages plus antipathiques qu'il n'est nécessaire, mais qui témoigne d'une amertume désenchantée et d'une misanthropie envers certains types de Français relégués ici au rang de cafards abjects. Cette méchanceté fait autant rire le spectateur qu'elle le met mal à l'aise, ce qui fait que cette comédie ne sera pas du goût de tout le monde. Par ailleurs, on n'arrive pas à saisir pleinement les véritables motivations de l'auteur derrière cette noirceur évidente, à cause en partie d'une mise en scène approximative manquant quelque peu de rigueur. Si la trame sonore de Django Reinhardt s'accorde bien au contexte de l'ensemble, quelques plans nichons (de femmes laides) achèvent de précipiter ce long-métrage dans la comédie franchouillarde, certes très drôle, mais pas franchement aboutie et un peu douteux sur les bords. Au sein d'une distribution fort inégale, Jean-Pierre Marielle reprend efficacement un rôle familier de profiteur aux belles paroles, alors que Jacques Dutronc joue les paumés avec une étonnante nonchalance. Mathieu Lemée

Le GUIGNOLO - Georges Lautner avec Jean-Paul Belmondo, Michel Galabru, Georges Géret, Charles Gérard, Mirella d'Angelo, Carla Romanelli, Pierre Vernier, Michel Beaune, Tony Kendall, 1980, France/Italie, 105m

Alexandre Dupré est un escroc spécialisé dans le vol d'oeuvres d'art mais il agit plus par plaisir que par matérialisme. Avec une jolie femme, Sophie, il cherche sans succès à arnaquer un millionnaire. Après cet échec, Alexandre se rend par avion à Venise où il compte bien se reprendre en escroquant des amateurs d'art japonais de passage dans la ville italienne. C'est alors que son compagnon de voyage lui demande de s'occuper de sa mallette jusqu'à la sortie de l'aéroport et de la lui remettre ensuite à une adresse déterminée. Alexandre accepte mais l'homme qui lui a donné la mallette est retrouvé mort et l'escroc s'aperçoit en plus que la mallette contient un microfilm où se trouvent les plans d'un nouveau carburant. Et voilà notre escroc embarqué dans une rocambolesque aventure d'espionnage où il est la cible de plusieurs services secrets désireux de s'emparer du précieux microfilm.

Suite au succès de "FLIC OU VOYOU", le trio composé de Georges Lautner à la réalisation, de Michel Audiard aux dialogues et scénario (avec Jean Herman) et de Jean-Paul Belmondo comme acteur vedette s'est reformé pour une nouvelle aventure comique. Le film ne possède cependant pas la structure rigoureuse du précédent et on a l'impression de regarder une suite de numéros décousus où la déconnade est de mise. Belmondo n'a pas à s'en plaindre puisqu'il caracole avec joie dans le rôle d'un autre personnage désinvolte, style Arsène Lupin, à la morale élastique et avec le goût du déguisement. Les plaisanteries et les calembourgs abondent avec drôlerie mais sans toutefois échapper à une certaine facilité. La mise en scène de Lautner demeure efficace, mais elle n'est pas aussi maîtrisée que dans "FLIC OU VOYOU" car elle s'attarde parfois un peu trop inutilement sur certaines scènes. Les dialogues à l'emporte-pièce d'Audiard sont toujours drôles et beaucoup de passages s'avèrent colorés et truculents sans atteindre un niveau d'inspiration maximale. Bref, pas une grande parodie des James Bond, mais on rigole et on passe du bon temps en compagnie d'un Belmondo en forme tout comme le reste du casting qui s'amuse ferme. Mathieu Lemée

ESPION, LÈVE-TOI! - Yves Boisset avec LIno Ventura, Michel Piccoli, Krystyna Janda, Bruno Cremer, Bernard Fresson, 1981, France, 98m

Sébastien Grenier est conseiller financier à Zurich. C'est aussi un agent dormant des services secrets français inactif depuis 8 ans. Un haut-fonctionnaire, Chance, se présente à lui comme son supérieur et affirme que l'épouse de Grenier, Anna, par son travail à l'université a des accointances avec un groupe terroriste responsable de l'assassinat d'un collègue. Grenier enquête pour découvrir la vérité et il rencontre un dénommé Richard qui dit au contraire que Chance est un agent des Russes. Lorsqu'Anna est kidnappée puis tué, Grenier recherche Chance pour l'abattre. Richard l'avertit que s'il tue Chance, son élimination sera décidé. Grenier abat Chance quand même et plus tard, il est tué lui-même par des agents français.

Adaptation réussie du roman "Chance Awakening" de George Markstein publié dans la collection "Série Noie", l'intrigue ressemble beaucoup aux romans de l'auteur John Le Carré; le personnage de Grenier, solidement interprété par Lino Ventura, possède une certaine parenté avec "L'espion qui venait du froid". Avec son habileté coutumière, Yves Boisset illustre de façon personnelle le monde glauque et glacé de l'espionnage où la manipulation est omniprésente. La logique de cette histoire mène tout droit vers une conclusion implacable grâce à une mise en scène efficace et sans bavures. L'apport de Michel Audiard comme dialoguiste du film (première des deux collaborations avec Yves Boisset) se fait également sentir tout au long de la projection grâce à des répliques pleines de verve et de cynisme. Michel Piccoli ajoute par ailleurs un humour narquois de bonne venue à son personnage d'agent double. Mathieu Lemée

Le PROFESSIONNEL aka The Professional - Georges Lautner avec Jean-Paul Belmondo, Robert Hossein, Jean-Louis Richard, Michel Beaune, Cyrielle Claire, Jean Desailly, Marie-Christine Descouard, Bernard-Pierre Donnadieu, Sidiki Bakaba, Elisabeth Margoni, 1981, France, 109m

Envoyé au Malagawi, un petit pays d'Afrique, par ses supérieurs afin d'assassiner le président et dictateur Njala, Josselin Beaumont, un agent des services secrets français a été vendu et sacrifié par ses chefs suite à un revirement politique en France. Emprisonné dans un camp africain après un faux procès, Beaumont parvient à s'évader et il rentre en France, bien résolu à se venger de ceux qui l'ont vendu. Il fait donc savoir à ses chefs qu'il a l'intention d'abattre le président Njala au cours des trois jours de sa visite officielle au pays pour rencontrer le président français. Le commissaire Rosen de la brigade d'intervention est chargé par le chef des services secrets, le colonel Martin, de retrouver et de stopper Beaumont. Malgré les méthodes pourris de Rosen, qui n'hésite pas à torturer la femme de Beaumont et à forcer le capitaine Valera, l'ami de Beaumont, à le faire tomber dans une embuscade, Beaumont échappe à tous les pièges et parvient même à tuer Rosen. Lors du dernier jour de Njala à Paris, Beaumont déjoue le service de sécurité présidentiel et parvient à se rendre jusqu'à sa victime. L'agent secret aurait-il réussi sa vengeance?...

Troisième film en trois ans du trio Lautner-Audiard-Belmondo après FLIC OU VOYOU et LE GUIGNOLO, l'approche y est ici plus sérieuse au plan dramatique. À partir d'un roman d'espionnage britannique touffu et de références politiques représentatives de la France de cette période, Audiard et Lautner ont conçu un récit d'aventure et de suspense où les manoeuvres injustes des fonctionnaires des services secrets et des politiciens sont fortement critiquées à cause de la raison d'état qui l'emporte sur les sentiments humains. Contrairement au deux précédents films de Lautner, l'humour est ici employé à des fins d'ironie intéressée, gracieuseté des dialogues d'Audiard qui ne s'est jamais gêné pour dénoncer avec verve les compromissions et les abus des différentes formes de pouvoir. La mise en scène présente cette intrigue un peu comme un western avec son héros solitaire, ses méchants identifiables et même un duel au pistolet un peu arbitraire entre Belmondo et Hossein. Le scénario recèle toutefois quelques surprises et rebondissements susceptibles de retenir l'attention, particulièrement dans la conclusion, très originale et imaginative. La musique de Morricone, bien que le thème principal, "Chi Mai", fût emprunté à un film italien intitulé MADDALENA, est mémorable. Voilà donc de la série B au métier éprouvé avec une réflexion critique non dédaignable et efficace. Bien sûr, Belmondo n'a aucune misère à s'acquitter d'un rôle qui lui va comme un gant et il est entouré de très bons partenaires. Mathieu Lemée

Le MARGINAL aka The Outsider - Jacques Deray avec Jean-Paul Belmondo, Henry Silva, Tcheky Karyo, Carlos Sottomayor, Claude Brosset, Pierre Vernier, Roger Dumas, Maurice Barrier, Jacques Maury, Michel Robin, Didier Sauvegrain, 1983, France, 101m

Bien connu comme flic de choc de par ses méthodes contestables, le commissaire Jordan, spécialiste dans la lutte contre le trafic des stupéfiants dans la police judiciaire française, est envoyé à Marseille pour lutter contre Meccaci, un important trafiquant. Jordan réussit si bien son travail que Meccaci le prend en grippe et le fait compromettre dans une affaire de meurtre. Jordan se voit donc muté à Paris sous le commandement d'un directeur qui n'approuve pas son caractère marginal. Malgré cela, Jordan trouve un allié en la personne de l'inspecteur Rojinsky et il continue toujours obstinément à trouver un moyen d'incriminer Meccaci. Un chimiste gay, Alfred, pourrait bien être le témoin dont Jordan aurait besoin pour faire avancer les choses mais lorsqu'enfin il le retrouve, il est assassiné. Plus tard, un vieil ami de Jordan, impliqué indirectement avec Meccaci, est tué à son tour. Après que Jordan ait échappé à un traquenard mortel, il se décide à aller tuer Meccaci lui-même dans son repaire.

Rien qu'en regardant le titre et l'affiche du film, on devine que l'intrigue a été fait sur mesure pour la vedette Belmondo, afin qu'il ne renouvelle pas son image de marque. Scénarisée par Jean Herman, auteur connu de polars, dialoguée par Michel Audiard, bien connu pour ses dialogues désinvoltes et réalisée par un vétéran du genre policier, Jacques Deray, cette série B française met en évidence le style voyou et gouailleur de l'acteur ainsi que son talent de cascadeur avec une touche sentimentale en plus, pour en faire le parfait preux chevalier héroïque luttant contre les méchants. Toujours vêtu de son traditionnel manteau de cuir pour avoir l'air d'un dur, Belmondo mène une enquête banale qui n'est intéressante que par les répliques truculentes qu'il débite et les bastons qu'il délivre aux bandits ou à ceux qui ne l'aiment pas. La mise en scène se contente de le regarder faire son numéro tout en rajoutant une touche de sordide pour faire plus racoleur. C'est donc du cinéma populaire quelque peu franchouillard et plutôt prévisible, qui se laisse regarder agréablement et dont le rythme est entraînant, sans qu'on ait besoin de se forcer les neurones. Belmondo prend évidemment toute la place et ses partenaires ne servent que de faire-valoir. Drôle et divertissant, mais sans plus! Les fans de Bebel (et j'en suis!) adoreront! Mathieu Lemée

Les MORFALOUS - Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt, Michel Constantin, Jacques Villeret, Matthias Habich, Michel Creton, François Perrot, Maurice Auzel, Gérard Buhr, Robert Lombard, Michel Beaune, 1983, France/Tunisie, 105m

En 1943 lors de la campagne de Tunisie, un détachement de légionnaires français a pour mission de récupérer tout l'or de la banque de la ville d'El Ksour. Les légionnaires tombent cependant dans une embuscade tendue par les Allemands et ils sont tous liquidés à l'exception de trois survivants. Ceux-ci, avec l'aide d'un artilleur rescapé d'une unité elle aussi décimée, parviennent toutefois à surprendre et à éliminer les Allemands. C'est alors que le sergent Augagneur, l'un des légionnaires survivants, propose à ses camarades de s'emparer de l'or et de le garder pour eux-mêmes. Seul son supérieur, l'adjudant Mahuzard, s'oppose farouchement à Augagneur. Celui-ci le fait enfermer et ensuite il tente de séduire l'épouse du directeur de la banque, Hélène Laroche-Fréon, afin d'obtenir la clé du coffre où l'or est dissimulé. Mahuzard parvient toutefois à s'évader avec la complicité de l'artilleur et il fait à son tour enfermer Augagneur et son complice. Hélène s'arrange toutefois pour les faire évader mais par la suite, Augagneur n'est pas au bout des peines ni de ses surprises dans sa quête pour dérober l'or de la banque.

Ce film marque la dernière collaboration de Belmondo, non seulement avec le réalisateur Henri Verneuil, mais aussi avec le dialoguiste Michel Audiard. Disons tout de suite que cette pellicule n'est pas ce que ces trois hommes n'ont réussi de mieux ensemble. Le rythme du film est plutôt inégal et le scénario, malgré ses rebondissements, se veut trop théâtral pour être crédible, ce qui ne convient guère à un film supposé être d'aventures et de guerre. Après un début explosif et fertile en scènes de violence guerrière, la suite se constitue en une série de confrontations souvent verbales entre quelques personnages, ce qui témoigne d'un certain manque d'action, chose à laquelle Verneuil ne nous avait jamais habitué dans ses précédentes mises en scène. Heureusement, le film ne se veut pas une merde puisque les dialogues de Michel Audiard sont là pour nous divertir et nous faire rigoler à nouveau grâce à quelques répliques mordantes dont il a le secret, bien qu'il ait déjà fait mieux dans l'écriture d'un film du même genre intitulé "UN TAXI POUR TOBROUK" et qu'il se montre ici beaucoup plus vulgaire et grossier que d'habitude, comme si Audiard avait eu un sentiment de je-m'en-foutisme avec ce projet. Les effets techniques sont parfois repérables, ce qui occasionne le rire involontaire du spectateur. En résumé, ce long-métrage n'est pas d'un ennui total et s'avère même assez intéressant à suivre, mais l'on aurait pu s'attendre à quelque chose de bien mieux, étant donné l'apport de professionnels chevronnés au générique. Belmondo n'a aucun effort à faire dans un rôle familier de personnage indocile plein de roublardises, personnage qu'il a néanmoins mieux incarné précédemment. Mathieu Lemée

CANICULE - Yves Boisset avec Lee Marvin, Miou-Miou, Jean Carmet, Victor Lanoux, David Bennent, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Kalfon, Grace de Capitani, Henri Guyber, 1984, France, 101m

Un bandit américain, Jimmy Cobb, est trahi par un complice lors d'un hold-up de banque dans la ville de Chartres. Possédant un butin d'un milliard de centimes, Cobb, blessé se réfugie dans une ferme de la campagne environnante. Une fermière, Jessica, découvre sa présence et décide de lui venir en aide. Elle espère ainsi se servir de lui pour tuer son mari Horace, un homme primitif et violent. Mais Horace déniche Cobb et avec l'aide de son frère Socrate, fait chanter le bandit afin de pouvoir s'emparer de son butin. Par ailleurs, le fils adolescent de Jessica, Chim, découvre la cachette de ce même butin. La police et d'autres truands sont toujours à la recherche de Cobb et se rapprochent petit à petit de la ferme... De quoi mettre le gangster aux abois!

Situé dans un magnifique décor champêtre, ce film d'Yves Boisset (le seul en format Scope) rend un évident hommage au cinéma de John Boorman. L'on y retrouve le même contexte sauvage que "Deliverance" et un personnage de bandit similaire que dans "Point of no-return", d'ailleurs interprété par le même acteur, Lee Marvin. Adapté d'un roman de Jean Vautrin, auteur reconnu pour sa violence et son pessimisme, l'intrigue nous place dès le départ dans le sordide pour y rester jusqu'à la fin de la projection. Dialogué par Michel Audiard, reconnu pour ses répliques vitrioliques, le film est composé de personnages bizarres aux réactions et aux agissements déraisonnés, sortant plus d'une galerie de monstres de foire que d'un manuel de psychologie à deux sous. Plusieurs genres se retrouvent ainsi mélangés; on passe du comique au polar en passant par l'érotisme et le western. Boisset ne cache pas son goût pour le cinéma américain ici, mais les fréquentes ruptures de ton et le caractère outrancier et truculent du film en font également un produit bien français. Une oeuvre étrange et insolite qui donne le vertige et ne laisse pas indifférent de par ses audaces. Certains aimeront, d'autres pas. À vous d'en juger. Mathieu Lemée

ON NE MEURT QUE DEUX FOIS - Jacques Deray 1985, France, 1h46

Le meurtre apparemment banal d'un clochard intrigue un inspecteur désabusé (Michel Serrault) à un point tel qu'il décide de se glisser dans la peau du mort afin de résoudre son enquête. Il tombera peu à peu dans une machination compliquée, et la liste des suspects potentiels augmentera à vue d'oeil. Il en viendra même à tomber amoureux de la suspecte principale, une "femme fatale" nymphomane (Charlotte Rampling).

Thriller jazzé typiquement français réalisé par Jacques Deray, ON NE MEURT QUE DEUX FOIS a des relents de MORTELLE RANDONNÉE. Baigné d'un score jazz atmosphérique et inquiétant, Michel Serrault y campe à peu près le même personnage que l'Oeil du film de Miller. L'obsession dont fait preuve son personnage n'est pas étrangère non plus au déroulement de l'intrigue. Mais les similitudes s'arrêtent là, et les nombreux retournements de situation auxquels on a droit, ici, donnent un parfum bien unique au film de Deray. Les dialogues exceptionnellement ciselés de Jacques Audiard font plaisir à entendre, et on note l'agréable quoique courte présence de Jean-Pierre Bacri et de Jean-Pierre Daroussin au générique. La finale complètement glauque et ouverte surprend le spectateur et nous redonne foi en Serrault, qui livre ici une performance nuancée et solide. Orloff

pour en savoir plus, le site officiel : www.michelaudiard.com

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Web www.clubdesmonstres.com

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