LA GAZETTE DU CLUB DES MONSTRES

NUMÉRO 15

par Jean-François Berreville

Le maquilleur Benoît LESTANG a choisi pour une raison ignorée de mettre fin à ses jours à l'âge de 44 ans, le 27 juillet 2008.

Il appartenait à cette catégorie de spécialistes français d'effets spéciaux, comme Jacques GASTINEAU et son frère, pionniers de l'animatronique, Pascal PINTEAU, créateur de maquettes ( comme pour le générique de l'émission Temps X ) et également maquilleur, et Jean-Manuel COSTA, auteur de films d'animation image par image, qui tentèrent dans les années 1980 de promouvoir l'imaginaire à l'écran dans un pays dont les producteurs sont pour le moins rétifs au fantastique et à la science-fiction.

Benoît LESTANG réalise son premier maquillage pour le cinéma à 17 ans ( LA MORTE-VIVANTE ). Il travaille sur trois publicités télévisées très singulières pour la marque Spring gum, animant trois personnages conçus d'après des concepts du dessinateur de bandes dessinées GOTLIB, un robot, un mort-vivant et un monstre glouton, qui explosent à la fin du spot après avoir tâté du chewing gum.

Benoît LESTANG réussit à se faire une place d'honneur dans le maquillage du cinéma français, travaillant aussi bien pour la comédie policière LES RIPOUX que pour LA CITE DES ENFANTS PERDUS. Compte tenu du peu d'appétence du cinéma hexagonal pour le cinéma fantastique, les maquillages consistent souvent en des maquillages conventionnels ou bien en plaies et autres maquillages sanglants.

Cependant, il a aussi l'occasion de créer quelques monstres pour le grand écran.

Celui de CLASH, film onirique de 1984 de Raphaël DELPARD, avec Catherine ALRIC et Bernard FRESSON, n'est pas particulièrement mémorable: le costume de caoutchouc-silicone du " Monstre de la nuit ", figure semi-anthropomorphe, fait penser à un figurant recouvert grossièrement d'argile rouge. Benoît LESTANG attribue au manque de temps et d'argent le rendu décevant de la créature.

En 1987, travaillant avec le maquilleur Gabe BARTALOS ( THE DEADLY SPAWN ), il construit et peint l'entité sarcastique du film américain BRAIN DAMAGE réalisé par Frank HENENLOTTER, auteur de l'assez célèbre FRERES DE SANG ( BASKET CASE ) qui narrait l'épopée meurtrière de deux frères, dont l'un monstrueux (il s'agit littéralement d'un "demi-frère"). BRAIN DAMAGE se différencie des films "gore" ( basés sur l'outrance sanguinolente ) par la métaphore sur la toxicomanie qui l'imprègne de bout en bout et qui l'éloigne ainsi quelque peu dans l'intention de la gratuité sadique qui est l'ordinaire de ce genre de production. La créature surnommée Elmer ( d'où le titre français, ELMER LE REMUE-MENINGES ), une sorte de ver au cerveau hypertrophié, est une véritable seringue vivante inoculant à son hôte une substance euphorisante provoquant une complète accoutumance, au point de le pousser à tuer pour alimenter son partenaire en substance cérébrale de victimes, dont il est friand. Le caractère scabreux de la situation est allégé par un humour noir vigoureux.

Deux ans plus tard, le maquilleur français conçoit à nouveau un ver redoutable, très bien animé, pour un autre film "gore", BABY BLOOD du Français Alain ROBAK. Cette fois, l'horreur est délivrée au premier degré, tandis que les protagonistes ne suscitent guère l'empathie, ni le personnage principal interprété par Emmanuelle ESCOURROU, femme tuant sans aucun état d'âme pour nourrir le bébé monstrueux que la créature originelle a engendré en son sein, pas plus que la plupart de ses victimes, des brutes avinées, ce qui pourrait rapprocher l'œuvre de manifestes féministes radicaux comme THELMA ET LOUISE ou MONSTER. Comme dans LA MOUCHE 2, l'enveloppe du bébé dissimule une créature bien différente; pour celle-ci, Benoît LESTANG, sur qui reposent tous les effets spéciaux du film, a conçu deux versions, une pour les plans généraux et une seconde mécanisée pour les gros plans. Tandis que l'organisme initial qui parasitait une Panthère rappelle certains parasites des poumons de Carnivores ( les Pentastomides comme Armillifer ), la progéniture évoque un peu un face-hugger d'ALIEN dont des tentacules tiendraient lieu de pattes et qui posséderait une petite tête quelque peu insectoïde.

Par ailleurs, Benoît LESTANG avait, outre la création de maquillages pour les victimes du film, écrit le scénario du film fantastique BROCELIANDE ( 2003 ), réalisé par Doug HEADLINE qui avait, comme lui, et à l'instar également de Christophe GANS (NECRONOMICON) écrit dans des revues spécialisées dans le cinéma au cours des années 1980.

Benoît LESTANG disparaît peu avant la sortie du film MARTYRS de Pascal LAUGIER, dont il avait réalisé les maquillages sanglants. Les amateurs garderont de lui le souvenir de l'un d'entre eux qui avait obtenu une reconnaissance de la profession, disparu alors que sa carrière laissait augurer encore de nombreuses années d'activité intense, et qui se montrait toujours disponible pour faire partager sa passion et prodiguer ses conseils. Jean-François Berreville.

La dernière entrevue de Benoît Lestang sur filmsactu.com

la page sur Imdb www.imdb.com/name/nm0504405

Le blog de Jean-François Berreville creatures-imagination.blogspot.com

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