LA GAZETTE DU CLUB DES MONSTRES

NUMÉRO 44

RÉTROSPECTIVE JEON SOO-IL

WITH A GIRL OF BLACK SOIL aka Geomen tangyi sonyeo oi aka La petite fille de la terre noire - Jeon Soo-il avec Yu Yun Mi, Jo Yung-jin et Park Hyun-woo, 2007, Corée du Sud, 90m

On suit le quotidien de Hyegon, un mineur qui perd son emploi, est malade, vit seul avec ses deux enfants, Young-Lim, une jeune fille de 9 ans et son frère de 11 ans qui a l'âge mental d'un petit de trois ans. Rien de bien joyeux et c'est cette petite fille qui tiens la famille tant bien que mal, mais les malheurs s'accumulent implacablement et rien ne va plus.

Les journaux relatent régulièrement le triste sort de mineurs en Asie, exploités et malades. On parle surtout de la Chine, mais la Corée ne semble pas y échapper. Pas un mot sur la mère de ces enfants, la petite doit donc la remplacer, protéger son frère et essayer de comprendre son père qui sombre dans l'alcool. Le seul personnage qui aura l'occasion de rire est le grand père, qu'elle consulte quand ca va trop mal. D'ailleurs il ne semble y avoir que les ainés qui s'adaptent au monde cruel dépeint par le réalisateur. Décors de ville minière à l'abandon, désolation et nihilisme sans espoir semblent être les seuls possibilités offertes à la fille. Et ses solutions sont éminemment tragiques et inattendues. Une réalisation sobre et efficace, qui évite le misérabilisme des mélodrames de pacotille. Chapeau au choix des enfants acteurs, d'un naturel étonnant et émouvant.

Lotus du meilleur film au 10ème festival asiatique de Deauville. 

L'icroyable Yu Yun Mi, âgée de 10 ans lors du tournage, ici loin de son personnage...

TIME BETWEEN DOG AND WOLF aka Gae oi neckdae sa yiyi chigan – Jeon Soo-Il avec Kil-Kang Ahn, Sun-jai Kum, 2006, Corée du Sud, 110m

Ou l’on suit Kim, un réalisateur en train de travailler sur le montage de son dernier film au moment où il est harcelé par ses collaborateurs et ses banquiers. Il accepte de se rendre chez le cousin de sa femme (épouse que l’on ne verra jamais) car il veut qu’il lui serve de compagnon pour aller visiter son père séparé de sa mère durant la guerre. Ça ne se fera pas, mais il reste dans le petit village, rencontre une jolie femme, Young-Hwa. qu’il a croisé dans l’autobus auparavant et veut la connaître mieux. Il lui sert de chauffeur pour aller en Corée du Nord. Il faudra bien du temps pour connaître ce qu’elle y cherche et lui en profitera pour essayer de retrouver la maison ou il a grandi.

On se demande longtemps ou tout cela pourra bien nous mener et il devient évident que cette chronique douce amère et nostalgique est en soit l’oeuvre et que nul surprise ni chute ne nous attendra au bout. Que des décors désolant de villes enneigées, souvent presque désertes, ou seuls les ainés semble accepter leur sort, comme dans A Girl with Black Soil réalisé l’année suivante. Il y a bien ici et là un peu d’humour, Kim parle toujours la bouche pleine et s’assomme dans le cadre de porte, mais on sent un vide immense dans ces êtres en manque. Le décor hivernal est parfois beau, mais la plupart du tant révèle une désolation avec ses villes vouées à devenir des cités casino, ou dont la vocation première a perdu sa raison d’être, comme ses habitants. La rareté de la musique contribue au sentiment de tristesse profonde qui se dégage de l’ensemble et la vacuité des bons sentiments qui pourraient s’y exprimer.

MY RIGHT TO RAVAGE MYSELF aka SUICIDE DESIGNER aka Naneun nareul pagoehal gwolliga aka Mise à nu - Jeon Soo-il avec Jung Bo-seok, Choo Sang-mee, Kim Young-min, Park Soi, 2003, Corée du Sud, 93m

" Il n'y a que deux façons de se rapprocher de Dieu : écrire ou aider les gens à mourir. " 

On débute avec Mara, une artiste qui fait une performance dans un temple en ruine. On rencontre ensuite Sei-yeon, une fille que l'on pourrait qualifier de nymphomane et qui a couché avec deux frères, choisissant capricieusement le plus âgé, un photographe. Cette fille qui semble vivre pour l'instant présent va se suicider après avoir rencontré le "suicide designer", Sung, un écrivain qui accompagne et prépare des gens qui veulent, selon son expression, "se reposer". Le plus jeune des frères est en furie contre son ainé et cherche à se venger en faisant un mauvais parti a l'assistant au suicide. Pendant ce temps, Mara demande au photographe de filmer ses performances, car elle ne s'est jamais vue en action. Ses actes tournent autour du sang et de la mort et on devine rapidement qu'elle aussi a de mauvaises intentions.

Oeuvre existentialiste nihiliste d'une beauté formelle étonnante, SUICIDE DESIGNER multiplie les réflexions sur la vie, la mort et l'art. Au travers, il y a bien ce jeune homme, inspiré par son idole Kurt Cobain qui veut se faire donner la mort et qui changera d'idée, mais il est en périphérie de l'histoire, comme un échappatoire, une excuse pratique pour ceux qui croiraient que le réalisateur présente le suicide comme seule réponse au mal de vivre. La photographie est superbe et les acteurs excellents. Le mélange initial d'Eros et Thanatos ne prend pas toute la place, mais rappelle bien cette dualité inévitable des désirs sexuels et des pulsions de mort. La mise en scène s'attarde sur les acteurs avec curiosité et l'on tente de percer le mystère de ces âmes malades. Le montage y va de retours en arrière fréquents, nous aidant à comprendre ses personnages atypiques. Mais devant le sujet, il faut se méfier des jugements, il faut écouter et tenter de comprendre, ça ne laisse pas indifférent.

The BIRD WHO STOPS IN THE AIR aka Saeneun pyegoksuneul keruinda - Jeon Soo-Il avec Kyung-gu Sol, So-hie Kim, 1999, Corée du Sud, 1999, 106m

Kim, jeune professeur en cinéma, a de la difficulté à se rapprocher de ses élèves ou de sa maîtresse, Young-hie. Il change le sujet de son prochain film, se rappelant sa fascination de jeunesse pour les oiseaux.

La question se pose, s'agit-il du même Kim, réalisateur dans A TIME BETWEEN DOG AND WOLF tourné sept ans plus tard ? On serait porté à le croire et on est triste pour lui, car il n'avait toujours pas trouvé un semblant d'équilibre dans sa vie. Il boit toujours, il parle encore une seule fois à son épouse au téléphone et il traîne son mal de vivre. Encore plus cliniquement ici, aucun gros plan, la caméra garde ses distances avec son sujet, bouge peu, aucune musique d'accompagnement, du "Dogme" avant le temps ? En tout cas le personnage affirme que le cinéma devrait autant que possible se rapprocher de la réalité et il est évident que le réalisateur parle par sa bouche à ce moment, pour ce film du moins. Alors évidemment ça semble long et sans but et on se demande si comme scénario il n'y avait pas un canevas de base sur lequel les acteurs ont improvisé leurs dialogues. Les oiseaux, que Kim va voir dans une réserve faunique, sont généralement absents et leur seul cri à la fin ouvre une mince fenêtre d'espoir. Mario Giguère 

Ces visionnement ont été rendus possibles grâce à Ciné Asie. Un merci spécial à Raffaela Mendel.

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